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Des vitres qui stockent la chaleur le jour et la rendent la nuit

Posté le 2 décembre 2019
par Sophie Hoguin
dans Innovations sectorielles

Des chercheurs ont mis au point des revêtements capables de stocker la lumière du soleil en la convertissant en énergie chimique récupérable et exploitable. Des premières applications pourraient voir le jour sur des fenêtres.

Les revêtements étudiés par ces chercheurs de l’université de Chalmers en Suède s’appuient sur les propriétés de certaines molécules, capables, sous l’effet du rayonnement solaire, de se transformer en un isomère métastable à haute énergie. L’énergie ainsi stockée peut être restituée plus tard sous forme de chaleur par une réaction au cours de laquelle la molécule reprend sa forme d’origine. Les différentes molécules recensées qui présentent cette capacité et le processus lié sont désignés par l’acronyme MOST pour molecular solar thermal storage. Le relargage de l’énergie de ces photocommutateurs moléculaires peut se faire sous l’action d’un stimuli extérieur (chaleur, électricité, lumière etc.) ou spontanément, en condition ambiante, à la fin du temps de vie de l’isomère à haute énergie. Plusieurs types de molécules ont déjà été étudiées comme les azobenzènes, les tétracarbonyl-fulvalène-diruthenium complexes, les dihydroaulènes et les nobornadiènes (NBD). Dans leurs travaux parus dans Advanced Science, les Suédois ont montré que l’on pouvait créer un film polymère contenant des molécules MOST qui peuvent capturer la lumière du soleil le jour pour la relarguer sous forme de chaleur la nuit.

Plusieurs obstacles à franchir

Pour réussir à mettre au point un revêtement fonctionnel, il a fallu passer plusieurs obstacles et trouver le composé :

Dans les travaux des chercheurs de l’université de Chalmers, c’est le couple norbornadiène (NBD) quadricyclane (QC) qui a été particulièrement étudié car il présentait de bonnes propriétés de départ et semblait avoir un bon potentiel de « réglage ». Le NBD-QC présente ainsi une efficacité d’absorption estimée à 3,8 % associée à des densités de stockage d’énergie allant jusqu’à 0,48 MJ.kg-1. En jouant sur les unités donneuses et accepteuses de la molécule par de subtiles changements de structures, les chercheurs ont réussi à obtenir une meilleure correspondance avec le spectre solaire, avec un début d’absorption pouvant atteindre 529 nm et une durée de vie jusqu’à 10 mois. Le cycle de stockage d’énergie de cette molécule est un cycle quotidien. Différentes intégrations du NBD-QC dans des matrices polymères ont été testées comme le PMMA (c’est-à-dire du plexiglas), révélant que la matrice la plus pertinente est un polystyrène. Au final, ils ont donc obtenu un film qui peut absorber la lumière du soleil et la relarguer sous forme de chaleur sur un cycle de l’ordre de la journée. Sa durée de vie est suffisante pour permettre de l’appliquer comme revêtement de vitres et ainsi, à terme, proposer des fenêtres fonctionnelles pour la climatisation ou le dégivrage.

Les MOST sont faits pour durer

Ces travaux font suite à ceux sur des MOST dédiés, eux, à un stockage de l’énergie longue durée, qui pourrait s’appliquer à diminuer l’effet des variations saisonnières sur la consommation d’énergie. En effet, le laboratoire de l’université de Chalmers avait déjà publié en 2018 une série d’articles (voir ci-dessous) portant sur des travaux sur l’amélioration des MOST pour les rendre utilisables dans de premières applications commerciales sous une dizaine d’années.

Leurs travaux ont notamment permis de mettre au point un MOST qui peut stocker l’énergie sur plus de 18 ans et qui peut être facilement activé. Stockable sous une forme liquide – les chercheurs avait réussi à se passer du toluène, hautement inflammable, pour stocker la molécule – les chercheurs ont trouvé un catalyseur qui agit comme un filtre. Lorsque le liquide passe dans le catalyseur, il se crée une réaction dégageant de la chaleur. Dans leur système, la température du liquide augmente jusqu’à 63°C. Ainsi, si le liquide stocké est à 20°C, il passe à 83 °C. Lors de cette réaction, il revient à sa forme moléculaire d’origine, permettant de créer un système cyclique.

Références supplémentaires

Les articles des chercheurs de l’université de Chalmers parus en 2018 :

Découvrez également la vidéo (proposée par l’université).


Pour aller plus loin