L’océan Atlantique Nord situé au-dessus du 50e parallèle nord est un des puits de carbone les plus efficaces au monde. Bien que représentant moins de 1,5% de la superficie de l’océan, il capte environ 20% du CO2 séquestré par les océans. Ses eaux très froides en surface et des conditions météorologiques relativement extrêmes en hiver permettent de capturer efficacement le CO2 présent dans l’atmosphère. En parallèle, les floraisons (ou « blooms ») de phytoplancton – un micro-organisme végétal qui transforme le carbone minéral présent dans l’océan en carbone organique via la photosynthèse – contribuent également à la captation du CO2 et à son exportation éventuelle vers les profondeurs de l’océan.
Traditionnellement, la floraison du phytoplancton est observée via les satellites « couleur de l’eau », qui mettent en évidence la présence de chlorophylle mais se révèlent inefficaces en cas de couverture nuageuse ; et par les missions océanographiques, plus coûteuses à opérer, et restreintes dans le temps.
Pour mieux comprendre les conditions favorables à la floraison du phytoplancton, les chercheurs du Laboratoire d’océanographie de Villefranche (CNRS/Sorbonne Université) ont déployé des robots appelés « flotteurs-profileurs biogéochimiques » dès 2012-2013. Ces robots – qui naviguent entre la surface et 2 000 mètres de profondeur – ont permis de mesurer des données jamais récoltées sur un cycle annuel complet : non seulement la profondeur, la température et la salinité des eaux, mais aussi l’intensité lumineuse, la densité des particules en suspension, la concentration en chlorophylle (indicateur de la présence du phytoplancton), et celle en oxygène.
Grâce aux données récoltées, les scientifiques ont pu déterminer de manière précise quand et comment débute la floraison du phytoplancton dans l’océan Atlantique Nord. Leur étude à paraître dans Nature Communications confirme l’hypothèse selon laquelle l’explosion de la biomasse du phytoplancton intervient au printemps après un « frémissement hivernal », une phase d’activité réduite pendant l’hiver.
De plus les chercheurs se sont concentrés sur les mois de janvier, février et mars pour étudier ce phénomène de « frémissement hivernal » méconnu. Dans une autre étude publiée dans Nature Geoscience, ils démontrent qu’il peut y avoir des floraisons (réduites) de phytoplancton en hiver sous certaines conditions. En effet, dans des eaux très agitées et brassées, le phytoplancton ne peut se développer car il manque de lumière à cette période de l’année. Mais, leur étude montre que dans des moments de relative accalmie, le brassage réduit des eaux permet au phytoplancton de recevoir plus de lumière, favorisant ainsi la floraison d’un groupe de phytoplancton : les diatomées. Ces floraisons locales de quelques jours pourraient être le point de départ de l’explosion printanière, quelques mois plus tard. Ces observations ont été reproduites par des modèles numériques et permettront certainement d’alimenter les futurs modèles de prévision de l’état des écosystèmes océaniques.
Au-delà de ces résultats, le projet ERC remOcean a démontré l’importance des robots pour comprendre l’océan. Il a également contribué à amorcer un programme international d’observation robotisée de la biogéochimie océanique, Biogeochemical-Argo, lancé en 2016. Son ambition à moyen terme est d’opérer 1 000 flotteurs-profileurs afin de prendre en permanence le « pouls » de la vie marine océanique et sa sensibilité aux perturbations climatiques.
Source : cnrs
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