IBM annonce avoir réussi à créer des puces avec un procédé de gravure en 2 nm. Jusqu'à présent, il n’y avait que TSMC qui s’approchait de cette finesse avec ses SoC M1 (puces Apple de dernière génération) en 5 nm. Cette annonce est l’un des derniers épisodes d’une guerre opposant principalement les États-Unis à la Chine. Pour des experts, contrôler la fabrication des puces électroniques au 21e siècle sera aussi stratégique que le contrôle de l'approvisionnement en pétrole au 20e siècle.
Le géant IBM a dévoilé les premières puces au monde gravées en 2 nm. Elles comportent environ 333 millions de transistors par millimètre carré (MTr/mm²). À titre de comparaison, les puces les plus avancées de TSMC, fabriquées à l’aide de son procédé 5 nm, comptent environ 173 millions de transistors par millimètre carré (MTr/mm²), tandis que les puces 5 nm de Samsung comptent environ 127 MTr/mm².
Cependant, la puce d’IBM est encore au stade du proof of concept. Ce type de processeur ne sera pas disponible avant quelques années. Mais cette annonce donne une idée de la technologie qui pourrait un jour alimenter les smartphones, les ordinateurs portables et les gadgets du futur.
Contenant 20 milliards de transistors de plus que son prédécesseur, la puce en 2 nm ouvre également la voie à des architectures de processeurs qui pourraient être adaptées à des besoins informatiques spécifiques dans des domaines comme l’IA ou le chiffrement.
Autre intérêt selon IBM, des gains importants en termes de performances et d’autonomie. L’entreprise affirme qu’elles « devraient permettre d’atteindre des performances 45 % supérieures ou une consommation d’énergie 75 % inférieure à celles des puces les plus avancées du nœud de 7 nm ».
Dépendance technologique
Il a fallu 4 ans aux chercheurs d’IBM à Albany, dans l’État de New York, pour passer de la gravure en 5 nm à 2 nm. « L’une des percées de la technologie 2 nm est l’utilisation de la gravure ultraviolet extrême (EUV) pour définir des largeurs de feuille variables 15 et 70 nm afin de répondre aux exigences des applications mobiles à faible consommation et des calculs à haute performance pour les applications de centres de données dans le cloud », a déclaré Mukesh Khare, vice-président de la recherche sur le cloud hybride chez IBM.
Ils ont réussi à superposer trois feuilles de matériau pour former une pile contenant un transistor NMOS au-dessus d’un transistor PMOS, plutôt que de les placer côte à côte, ce que l’on appelle communément une conception « gate-all-around ». Il s’agit d’un pas en avant par rapport aux FinFET 3D d’aujourd’hui. La technique dite GAAFET (Gate-All-Around Field Effect Transistor) permettra de s’accommoder de la gravure toujours plus fine.
De quoi inquiéter Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), sous-traitant incontournable qui fabrique aussi bien pour Apple, Qualcomm ou Nvidia, et qui est considéré comme le leader dans le domaine de la gravure EUV.
Au-delà de cet exploit technologique, l’annonce d’IBM est le dernier épisode de la guerre qui oppose les États-Unis à la Chine dans le domaine des processeurs. Ce sujet est devenu encore plus crucial depuis la pandémie et la pénurie de puces qui impactent différents secteurs. Et la situation sera encore plus délicate avec la montée en puissance de l’IA, de la biotechnologie, de l’informatique quantique, des véhicules autonomes et de l’Internet des objets…
Actuellement, il existe deux types de sociétés de fabrication de semi-conducteurs dans l’industrie des puces. Certaines (comme Intel, Samsung, SK Hynix et Micron) conçoivent et fabriquent leurs propres produits dans des usines qui leur appartiennent. D’autres sont des fonderies qui fabriquent des puces conçues par des entreprises privées ou des armées. TSMC est la plus grande de ces fonderies dans le monde avec un chiffre d’affaires de 35 milliards de dollars. Environ 60 % des puces qu’il fabrique sont destinées à des entreprises américaines. Environ 20 % sont destinées à la Chine.
Résultat, les États-Unis veulent encourager le développement de fonderie sur leur territoire et ont annoncé la mise en place d’un nouveau programme appelé « Rapid Assured Microelectronics Prototypes – Commercial » (RAMP-C) pour que les puces soient de plus en plus fabriquées outre-Atlantique.
Et l’Europe ? Fin 2018, le lancement du programme Horizon 2020 incluait la conception et la fabrication au sein de l’UE de processeurs destinés à des applications mobiles. Une vingtaine d’acteurs issus de l’industrie ou du monde de la recherche se sont alliés au sein de l’EPI (European Processor Initiative).
En décembre dernier, les ministres des Télécommunications des pays de l’Union européenne ont également décidé de renforcer leur coopération dans les domaines de la conception et de la fabrication des processeurs de nouvelle génération et des technologies de semi-conducteurs à faible consommation énergétique.
145 milliards d’euros devraient être investis sur 2 à 3 ans dans différents domaines, dont… la gravure en 2 nm.
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