Imaginez que l’on puisse remplacer les éléments de refroidissements des voitures et des réfrigérateurs ou des matériaux de dissipation de la chaleur des ordinateurs et téléphones portables par des alternatives plastiques légères, flexibles, résistantes à la corrosion. C’est l’espoir nourri par des chercheurs du MIT qui travaillent sur le développement de polymères à forte conductivité thermique depuis des années. Leurs derniers résultats, parus dans Nature Communications, décrivent comment ils ont réussi à fabriquer des feuilles de polyéthylène dont la conductivité atteint 60 W/m/K alors que la plupart des polymères atteignent des conductivités de l’ordre de 0,1 à 0,5 W/m/K. Une conductivité exceptionnelle, meilleure que celle de l’acier (environ 15) ou des céramiques (environ 30).
De la fibre à la feuille
Les travaux publiés cette fois font suite à ceux de 2010 où cette équipe avait montré que l’on pouvait fabriquer des fines fibres de polyéthylène 300 fois plus conductrices de chaleur que le polyéthylène classique et aussi conductrice que la plupart des métaux. Mais évidemment de la fibre d’un diamètre 100 fois plus petit que celui d’un cheveu à des films manipulables, il y avait un pas technologique à franchir. Les chercheurs se sont donc tournés vers la fabrication d’une feuille plutôt que d’une fibre.
Après plusieurs années de développement, ils ont réussi à fabriquer des films de polymères très fins en partant d’une poudre de polyéthylène que l’on trouve sur le marché. La structure moléculaire du polyéthylène peut être comparé à des longues chaînes de molécules qui s’emmêlent les unes les autres en formant des amas et des nœuds. Ce désordre moléculaire explique notamment que la chaleur ne soit pas transmise rapidement. Les chercheurs ont donc cherché une méthode de fabrication qui mette de l’ordre dans cet assemblage, en créant des chaînes de molécules parallèles les unes aux autres, supprimant au maximum les nœuds. La poudre de polyéthylène a été dissoute dans une solution qui force les chaînes enroulées à s’étendre et se démêler. Une machine spécialement conçue a été mise au point pour que la solution soit expulsée dans un flux favorisant encore la formation de ces chaînes parallèles. La solution est alors immédiatement placée sur une plaque refroidie à l’azote liquide. Elle forme un film assez épais qui sera étiré sur une machine à rouleaux jusqu’à ce que le film soit plus fin que qu’un film d’emballage.
Confirmation par mesure et imagerie
L’équipe a ensuite construit un appareil pour tester la conduction thermique du film et a analysé la structure nanoscopique du matériau au synchrotron à rayons X à l’Advanced Photon Source du laboratoire national d’Argonne. L’observation a permis de confirmer que les films ayant la meilleure conductivité thermique présentaient des nanofibres avec des chaînes les moins enroulées et emmêlées. Mais ce film présente une autre particularité : il ne conduit la chaleur que dans le sens de la longueur des chaînes. L’évacuation de la chaleur est donc unidirectionnelle. Si cette caractéristique peut être utile pour des appareils électroniques par exemple, elle constitue un obstacle à d’autres applications comme l’introduction de tels polymères dans des matériaux composites. C’est pourquoi les chercheurs s’attellent désormais au défi suivant : réussir à fabriquer un film isotrope pour la conductivité.
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