Des révélations préoccupantes
Dans un courriel interne rendu public par le Canard enchaîné le 18 octobre 2023, le directeur général de l’ARS d’Occitanie, Didier Jaffre, s’adresse à ses cadres en les informant que l’eau du robinet « ne doit plus être consommée, mais seulement utilisée pour tout le reste […] ». Selon les extraits dévoilés, une concentration importante dans l’eau de polluants, dits « éternels », les PFAS[1], serait en cause : « Il y a des PFAS et des métabolites partout. Et, plus on va en chercher, plus on va en trouver ». Pour contourner ces taux élevés, le directeur propose de suspendre les mesures de contrôle de ces substances.
Face à l’ampleur de la polémique, Didier Jaffre s’est justifié en déplorant que ce mail ait été « sorti de son contexte ». Il rassure les usagers de la région en précisant que « l’eau d’Occitanie peut être bue en toute sécurité ».
Des substances chimiques indestructibles et toxiques
Le sigle PFAS désigne les composés per et polyfluoroalkylés, issus de l’industrie chimique et développés depuis les années 1940. Cette famille regroupe près de 4 000 composés chimiques synthétiques, parmi lesquels le Pfoa (acide perfluorooctanoïque) et le PFHxS (acide perfluorohexane sulfonique). Ils sont massivement présents dans de nombreux biens de consommation de la vie courante : poêles antiadhésives en Teflon™, emballages alimentaires, textiles, shampoings ou encore le maquillage.
Dotées de propriétés antiadhésives et imperméabilisantes, ces molécules sont presque incontournables pour de très nombreux secteurs industriels.
Leur nature persistante et bioaccumulable dans l’environnement pendant des milliers d’années leur vaut le surnom de « polluants éternels ». La présence de très fortes liaisons carbone-fluor explique cette désintégration extrêmement lente. Ces composés quasi indestructibles sont susceptibles d’être rejetés dans notre environnement et de contaminer différentes sources d’eau en s’y accumulant.
En cas d’exposition chronique, leur nocivité pour le métabolisme humain est attestée par certaines études (trouble de la fertilité, du développement du fœtus, risques accrus d’obésité ou de certains cancers – prostate, reins et testicules).
Une inaction coupable du pouvoir politique ?
Un rapport commandé par le ministère de la Transition écologique à l’inspection générale de l’Environnement et du Développement durable (IGEDD) et publié le 14 avril dernier alerte sur le retard « inquiétant » de la France dans la détection et la quantification des PFAS. Le rapport recommande au gouvernement d’agir « sans tarder ».
Début 2023, le ministère s’est saisi du sujet et a lancé un « plan d’action PFAS 2023-2027 » qui vise à évaluer et réduire les effets toxiques de ces molécules tout en soulignant que les actions doivent être prises à l’échelle européenne. En juin dernier, un arrêté ministériel, s’inscrivant dans ce plan d’action, impose à 5 000 sites industriels de rechercher la présence de PFAS au sein de leurs rejets aqueux.
Fin 2022, avec la transposition en droit français d’une directive européenne de 2020, un seuil maximum a été fixé à 0,10 μg/L pour 20 PFAS jugés préoccupants et devra être obligatoirement respecté pour les eaux potables d’ici à 2026.
Les alternatives envisageables
Les PFAS pourraient être substitués par des substances moins nocives déjà existantes, comme le préconise le rapport de l’IGEDD.
La mise en place de techniques de destruction et d’élimination des PFAS pourrait aussi représenter une alternative. Notons qu’une méthode de dépollution prometteuse fonctionnant sur une douzaine de PFAS a été publiée dans la revue Science. Les chercheurs sont parvenus à identifier une faiblesse à l’une des extrémités de certains PFAS qui peut être ciblée par un solvant et un réactif courant à des températures moyennes de 80 à 120°C, provoquant l’effondrement de la molécule entière, sans émettre de produits nocifs. Il reste à identifier le talon d’Achille des autres types de PFAS…
[1] Prononcer « pifasse »
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