Les pesticides les plus toxiques ont une fâcheuse tendance à ne pas se dégrader. Ils peuvent donc persister durant plusieurs décennies dans les sols et empoisonnent les organismes qui y vivent. Cette pollution aurait toutefois tendance à s’amenuiser dans le temps si certains agriculteurs ne les utilisaient pas encore de manière frauduleuse. C’est notamment le cas de 4 herbicides : le carbofuran, l’endosulfan, le carbosulfan, 3 insecticides et du terbuthylazine, un herbicide.
Si le carbofuran est interdit en France depuis 2008, il a été détecté en 2012 dans le Tarn. L’enquête a révélé un trafic avec l’Espagne. En 2013, un test mené par Générations futures a retrouvé de l’endosulfan et du carbosulfan dans des barquettes de fraises vendues en grandes surfaces en Picardie et en Haute-Normandie. Ces deux insecticides sont pourtant interdits en Europe, respectivement depuis 2008 et 2007. Enfin, le rapport annuel de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée a relevé la présence de terbuthylazine dans deux stations de pompage (Aude et Pyrénées-Orientales) en 2011. Les concentrations relevées dépassaient le seuil permettant d’utiliser la ressource pour produire de l’eau potable.
Des réglementations mal harmonisées
Si certains agriculteurs écoulent toujours leurs stocks malgré les interdictions, c’est avant tout le manque d’harmonisation au niveau européen et la contrefaçon qui favorisent les usages illicites. En effet, l’autorisation de commercialisation accordée aux substances actives se fait au niveau européen. En revanche, chaque pays décide ensuite d’accorder ou non des autorisations de mise sur le marché aux produits commercialisés. Par exemple, le terbuthylazine est interdit en France, mais est autorisé en Belgique, en Italie, en Espagne et au Luxembourg.
Dans les zones frontalières, les agriculteurs peuvent donc aller s’approvisionner de l’autre côté de la frontière, là où certains produits interdits en France sont autorisés. Ce trafic est notamment important avec l’Espagne. A en croire les propos de Jean Sabench, en charge du dossier pesticides à la Confédération paysanne, et repris par l’AFP, « les responsables régionaux du plan Ecophyto ont dit que jusqu’à 25% des pesticides utilisés en Languedoc-Roussillon étaient achetés en Espagne ». « Une bonne partie d’entre eux sont interdits ». Ces produits peuvent aussi être achetés sur Internet.
Les contrefaçons jouent également un rôle important dans cette pollution des sols. Dans les produits contrefaits, les contenus ne sont pas forcément fidèles aux produits mentionnés sur l’étiquette ! Selon Europol, il existe un vrai trafic de pesticides contrefaits. Il représenterait tout de même 5 à 10 % du marché européen qui totalise environ 10 milliards d’euros par an. Selon les dires de l’Union nationale des industries phytosanitaires (UIPP) cités par l’AFP, si un prix est inférieur à plus de 10 % du prix moyen du marché « c’est suspect ». C’est justement le prix qui motive les contrevenants à acheter ces produits.
Selon l’UIPP, les pesticides représentent environ 9 % des coûts d’une production agricole. Faire baisser les tarifs permet donc de faire des économies substantielles. Les trafics restent possibles dans la mesure où il y a trop peu de contrôles, peu de poursuites et des sanctions faibles. En 2012, sur 5 972 inspections d’exploitations, la Direction générale de l’alimentation (DGAL) n’a réalisé que 620 inspections au stade de la distribution et 675 prélèvements à la récolte pour l’utilisation des pesticides.
La plupart des acteurs du secteur agricole, fabricants de pesticides compris, demandent des sanctions plus sévères pour les utilisateurs de produits contrefaits. Les sanctions appliquées (amendes allant de 500 à 5.000 euros) sont en effet bien loin des six mois d’emprisonnement et des 30 000 euros d’amende prévus par la loi « pour l’utilisation et la détention de produits sans autorisation de mise sur le marché ».
« Pour une minorité d’agriculteurs, il est difficile d’accepter que ces produits sont dangereux alors qu’ils les ont utilisés pendant des années », relève Jean Sabench repris par l’AFP.
Le travail réalisé depuis 2008 dans le cadre du plan Ecophyto contribue cependant à changer les mentalités même si l’objectif de réduction de 50 % de la consommation nationale d’ici 2018 ne sera sûrement pas atteint.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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