Transformer n’importe quel support en une micro-centrale électrique solaire : voici le rôle de la technologie Wysips (pour « What You See Is Photovoltaic Surface »), brevetée par la société Sunpartner Technologies. Pour ce faire, les chercheurs ont créé un film transparent et intégrable à toutes sortes de produits. Lorsqu’on y regarde de plus prêt, ce composant assemble une couche mince de cellules photovoltaïques avec un réseau de micro-lentilles qui rend les cellules photovoltaïques invisibles à l’œil nu.
Tout ce qui comporte un écran, du smartphone à la liseuse électronique, en passant par la montre ou un objet connecté, mais aussi les vitres et les surfaces opaques peuvent fonctionner, grâce à Wysips, en toute indépendance vis-à-vis des réseaux électriques. Résultat : ils contiennent des batteries beaucoup plus légères, voire aucune ! Wysips pourrait ainsi permettre d’atteindre l’autonomie énergétique de tous les objets et équipements électroniques exposés à la lumière naturelle ou artificielle.
Comment rendre des cellules solaires invisibles ?
La technologie Wysips repose sur un procédé optique : elle superpose une couche de lentilles semi-cylindriques et des cellules photovoltaïques. « L’effet optique généré permet de camoufler les cellules photovoltaïques et de produire de l’électricité grâce à la lumière. Ainsi, quelle que soit la position de l’œil, la cellule photovoltaïque est invisible », détaille Ludovic Deblois, président et co-fondateur de Sunpartner Technologies. C’est le principe des images lenticulaires.
Le composant de base est constitué d’un verre ultra-fin dont l’épaisseur est inférieure ou égale à 0,5 mm. « Actuellement, les solutions Wysips sont basées sur du silicium amorphe, mais notre procédé peut intégrer n’importe quelles cellules photovoltaïques : silicium polymorphe, organiques… », explique Ludovic Deblois. « Au fur et à mesure que les performances de ces cellules augmenteront, la performance du procédé Wysips augmentera en conséquence », prévient-il.
Trois technologies déjà matures
Trois technologies sont déjà développées. La première, Wysips Crystal, s’intègre à toutes les technologies d’écrans et produits nomades (téléphones mobiles, tablettes, objets connectés, étiquettes électroniques…). Les deux autres, Wysips Glass et Wysips Cameleon, permettent respectivement de générer de l’électricité avec des vitrages et des surfaces opaques.
Intégré lors du processus de fabrication, en-dessous ou au-dessus de n’importe quel technologie d’écran tactile, le film Wysips Crystal est connecté à une puce électronique qui convertit et transmet l’électricité à la batterie. Avec un taux de transparence allant jusqu’à 92 %, il préserve la qualité visuelle et la fonctionnalité de l’écran. Cet écran connecté se décline aussi en version Wysips Connect, permettant en plus d’être receveur/transmetteur de données via la lumière, grâce à la technologie LiFi-Light Fidelity. Le rendement de ce film varie entre 2,5 mW/cm2 et 5 mW/cm2, selon la taille de l’écran, les cellules solaires utilisées et le taux de transparence voulu.
Intégré dans une vitre, Wysips Glass permet quant à lui d’alimenter les équipements électriques reliés. On peut ainsi imaginer que les surfaces vitrées des bâtiments, des voitures, trains, avions ou de tout autre moyen de transport alimentent n’importe quel type d’appareil élecrique. Selon la transparence, variant entre 70 % et 90 % en fonction des besoins, la production énergétique sera évidemment plus ou moins élevée. Le premier prototype du composant Wysips Glass offre une transparence de 70 % pour une puissance de 30 W/m2.
Enfin, basé sur le même principe que Wysips Crystal, les films Wysips Cameleon diffèrent par leurs applications qui concernent tous les types de surfaces communicantes statiques et opaques, hors écrans animés. Wysips Cameleon permet ainsi de développer des panneaux d’affichage autonomes en énergie fonctionnant indépendamment de tout branchement au réseau électrique : affichages publicitaires, signalétique…. Sa surface autodéroulante peut aller de 2 à 20 m2. Ces films sont issus du partenariat entre Sunpartner Technologies et l’industriel Prismaflex International.
Quand verra-t-on cette technologie sur le marché ?
Plusieurs partenariats sont en cours d’élaboration, notamment dans le secteur du bâtiment, de la téléphonie et des équipements high tech. Mais quelques produits arrivent déjà sur le marché. Ainsi, le premier téléphone portable à réserve de marche perpétuelle intégrant la technologie Wysips Crystal sera commercialisé dès octobre 2014 ! Il s’agit du téléphone TAG Heuer MERIDIIST INFINITE, créé par Atelier Haute Communication, et qui sera disponible en édition limitée de 1911 pièces numérotées.
« Sunpartner Technologies conçoit actuellement des prototypes de smartphones équipés de sa technologie Wysips Crystal pour quatre géants mondiaux de la téléphonie, dont TCL Communication, 7ème fabricant mondial de smartphones, qui conçoit et commercialise notamment les téléphones Alcatel one Touch et TAG Heuer », annonce Ludovic Deblois.
Dans le secteur du transport et de l’aéronautique, un prototype fonctionnel a été développé en partenariat avec l’équipementier aéronautique Vision Systems. Il s’agit du premier hublot dynamique obscurcissant totalement autonome grâce à Wysips Glass. « Concrètement, il s’agit d’un vitrage auto-obscurcissant intégrant une protection solaire totalement autonome du circuit électrique de l’avion et vise l’alimentation locale des smartphones, tablettes tactiles et autres équipements électroniques des passagers », précise le président de Sunpartner Technologies. Ce produit baptisé » Energia de Vision Systems » sera finalisé et certifié fin 2014.
Dans le secteur de l’affichage urbain, les premiers panneaux d’affichages publicitaires déroulants autonomes en énergie dans le monde ont été présentés en 2013. Pourvus de la technologie Wysips Cameleon, ils devraient être commercialisés en 2015.
Des textiles phovoltaïques pour demain ?
Sunpartner Technologies travaille aussi sur le développement de textiles photovoltaïques. Elle coordonne pour cela le projet Soltex, mené avec un consortium d’industriels et de chercheurs. Celui-ci vise le développement d’un fil photovoltaïque permettant de créer des textiles intelligents, qui produisent de l’énergie à partir de la lumière.
« Ce fil photovoltaïque intégré au tissu d’un sac à dos ou d’un T-shirt pourrait assurer la charge d’instruments électroniques portables tels qu’un téléphone mobile, GPS, balise de détresse », assure Ludovic Deblois. »Intégré au tissu d’un store ou d’une bâche, il pourrait alimenter en énergie des fonctions de proximité. Par exemple, l’énergie lumineuse emmagasinée dans le store pourrait lui permettre de fonctionner de façon autonome sans être raccordé au réseau électrique de la maison », poursuit-il. Le rendement escompté de cette nouvelle technologie textile photovoltaïque est de l’ordre de 10 W/m2. Résultat des courses en 2019 !
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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