L’INSERM estime à au moins 700 000 le nombre de décès causés chaque année par des maladies pharmacorésistantes. Ce chiffre s’élèverait à 230 000 rien que pour la tuberculose multirésistante.
La résistance aux antimicrobiens est un défi mondial majeur
Dans un rapport de 2019, alors que les premiers effets économiques et sanitaires de l’inefficacité croissante des médicaments se faisaient déjà sentir, les principales organisations internationales proposaient une série de mesures visant à inverser cette tendance. Selon Amina Mohammed, vice-secrétaire générale de l’ONU, l’enjeu est bien de « protéger un siècle de progrès dans le domaine de la santé ».
C’est un fait : un nombre croissant de souches bactériennes arrive à échapper aux traitements antibiotiques actuels, par exemple en se cachant à l’intérieur des cellules. C’est notamment le cas des staphylocoques multirésistants (SARM), des agents pathogènes capables de provoquer des pneumonies mortelles ou un empoisonnement du sang.
Face à une situation qui ne cesse de s’aggraver, il est donc urgent de trouver des solutions alternatives. C’est tout l’enjeu des travaux en cours à l’EMPA et l’ETH Zurich.
Les nanoparticules, des armes pour un combat de l’infiniment petit
La solution étudiée par l’équipe de chercheurs suisse consiste à exploiter la capacité des nanoparticules à pénétrer à l’intérieur des cellules du corps, ce que ne peuvent pas faire les antibiotiques classiques, à cause de la faible perméabilité membranaire.
Une publication récente dans le journal Nanoscale démontre l’effet antibactérien sur des cellules de mammifères de ces nanoparticules oxydes métalliques hybrides inorganiques. Différentes compositions ont été étudiées, principalement à base :
- de verre bioactif, mélange de SiO2, CaO, Na2O et P2O5, un matériau reconnu pour ses propriétés antimicrobiennes lorsqu’il est sous forme nanoparticulaire, mais qui possède également des propriétés régénératrices ;
- d’oxyde de cérium, un matériau antibactérien moins toxique que l’argent.
L’efficacité de ces particules hybrides a ensuite été mise en évidence par microscopie électronique à transmission (MET) et par mapping EDS. Il a ainsi été démontré que ces nanoparticules étaient capables de dissoudre les bactéries contenues dans les cellules.
Une action ciblée et durable
Si le mécanisme d’action de ces nanoparticules n’est pas encore clair, les chercheurs supposent que celles-ci agissent sur la membrane cellulaire des bactéries en produisant des composés oxygénés réactifs. De plus, comme les membranes des cellules humaines sont construites différemment, ces nanoparticules demeurent peu toxiques pour le corps humain.
Par ailleurs, ces nanoparticules semblent avoir un effet sur le long terme. Dans un communiqué de presse, le chercheur de l’Empa Tino Matter, affirme que « les particules de cérium se régénèrent avec le temps, de sorte que l’effet oxydatif des nanoparticules sur les bactéries peut recommencer. »
Cette technologie brevetée doit maintenant être étudiée plus en détail dans le but d’optimiser la structure et la composition des substances actives.
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