Selon une étude du cabinet PwC commandée par l’agence spatiale luxembourgeoise (LSA) et par l’agence spatiale européenne (ESA) parue le 20 décembre 2018, l’exploitation de minerais dans l’espace pourrait générer entre 73 et 170 Md€ de chiffre d’affaires dans le monde d’ici à 2045 et créer entre 845 000 et 1,8 million d’emplois à temps plein. Cette nouvelle activité minière et industrielle permettrait à la fois de pourvoir en minerais, métaux précieux et hydrocarbures la demande terrestre mais aussi la demande spatiale (approvisionnement de mission spatiale de longue durée).
En effet, même si notre connaissance de la composition des astéroïdes est pour l’instant limitée à des observations à distance – hormis quelques récents échantillonnages – les scientifiques s’accordent sur le fait que la plupart des astéroïdes sont de vraies pépites volantes.
Dans son ouvrage « Mining the Sky » (1997), le planétologue américain John S. Lewis estime la valeur marchande de l’astéroïde Amon. Ce petit corps céleste de type M (métallique) d’une longueur d’à peine plus de 2 km contiendrait l’équivalent de 6000 Md$ de platine, et 8000Md$ de nickel et de fer, 6000Md$ de cobalt plus quelques autres trillions de dollars de composés volatiles comme du carbone, du phosphore, de l’azote etc. Des chiffres astronomiques qui ont de quoi faire rêver des investisseurs.
Déjà des candidats à la mine
Plusieurs entreprises se sont déjà montées pour se positionner sur ce secteur qui s’annonce lucratif. Des sociétés américaines comme Planetary Resources (dont les fonds proviennent notamment de dirigeants de Google et par le réalisateur James Cameron) et Deep Space Industry (DSI) s’étaient très tôt placées sur ce créneau. Trop tôt ? La question se pose puisque ces deux sociétés ont été rachetées récemment. Planetary Resources est à présent la propriété de ConSensys, une entreprise de technologies de blockchain et DSI a été rachetée en début d’année 2019 par Bradford Space. Dans les deux cas, l’activité est désormais plus tournée vers le développement de petits satellites ou de technologies pour ces satellites.
L’objectif minier reste en arrière-plan en attendant que les nombreux obstacles technologiques, réglementaires et financiers soient passés. De nombreuses autres start-up se sont déclarées sur ce créneau proposant / cherchant des solutions technologiques pour le minage, le transport, le traitement in situ etc. Mais, en réalité, l’activité minière n’est pas l’apanage de seules entreprises privées. Ainsi, l’ESA a elle-même un programme de mission visant à tester des technologies pour miner, craquer et exploiter les glaces lunaires par exemple (In-Situ Resource Utilisation Demonstrator Mission) et elle a signé un partenariat ArianeGroup pour le transport de mission visant à miner le régolithe lunaire.
L’étude même des astéroïdes est encore très récente. On dispose d’un inventaire de plus de 600 000 d’entre eux et pour le moment ils sont classés selon leur analyse spectrale. Mais celle-ci ne révèle que la composition de surface, aussi un travail de ciblage plus fin est en cours pour savoir quels sont les astéroïdes les plus intéressants à exploiter.
Des avancées technologiques
Avec les dernières missions scientifiques sur des astéroïdes (Rosetta, Hayabusa et Osiris-Rex), on commence à mieux maîtriser l’approche et l’atterrissage sur des astéroïdes. Les technologies de pointe utilisées pour récolter et analyser quelques grammes de ces astéroïdes montrent néanmoins que l’on n’a pas encore atteint la maturité pour forer et récolter du minerai à une échelle industrielle. Et surtout pas dans des coûts compatibles avec le développement d’une industrie. D’un point de vue technique, trois approches sont aujourd’hui envisagées : la capture d’astéroïdes pour les placer en orbite lunaire, extraire la matière brute mais la traiter ailleurs, extraire et traiter sur place. Les technologies de minage en elles-mêmes ne devraient pas être radicalement différentes de celles employées sur Terre dans les mines à ciel ouvert et, hormis les difficultés pour envoyer le matériel et l’arrimer sur place, les experts ne voient pas de problèmes majeurs dans ce domaine. Les trois options jouent en fait sur les coûts que peut induire le transport soit de la matière (brute ou raffinée) soit de l’équipement nécessaire au minage.
Un contexte favorable
Globalement, on s’aperçoit que le contexte est plutôt favorable : une volonté tant de la part des Etats que des investisseurs privés, des technologies sur le point d’être accessibles, une réglementation qui se met en place. Cependant, il faut rester réaliste, cette exploitation potentielle des astéroïdes devrait encore prendre plusieurs dizaines d’années avant de voir réellement le jour.
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