Les taupins sont des coléoptères un peu particuliers. Au cours de leur évolution, ils ont développé une étonnante capacité à sauter plus de dix fois leur taille… et sans s’aider de leurs pattes ! Dès 2021, une étude parue dans PNAS et menée par une équipe de chercheuses de l’université de l’Illinois (États-Unis) avait éclairé le mécanisme à l’œuvre chez ces insectes. Ils possèdent dans leur thorax, juste derrière leur tête, un outil rappelant une charnière et qui leur sert à sauter. Pour en comprendre le fonctionnement, les scientifiques ont eu recours aux rayons X. Elles ont alors découvert qu’une cheville située sur l’un des côtés de la charnière était reliée à l’autre côté. Quand cette liaison se relâchait brusquement, un « clic » sonore retentissait et la charnière se détendait rapidement, provoquant le saut du coléoptère. L’énergie considérable amassée puis dépensée par un si petit animal promet des fonctions uniques, exploitables par des robots bio-inspirés…
Des coléoptères-robots encore plus performants que leur inspiration
En ingénierie, répliquer un taupin robotique est loin d’être chose aisée. En effet, le coléoptère peut compter sur un système musculosquelettique capable d’amplifier fortement sa puissance musculaire. Chez un robot, le stockage de l’énergie élastique et l’amplification de la puissance nécessitent habituellement l’emploi de deux actionneurs embarqués différents. Et donc un design d’autant plus complexe, avec de multiples parties à assembler… Pourtant, l’équipe menée par le professeur d’ingénierie et de sciences mécaniques Sameh Tawfick, de l’université de l’Illinois, est parvenue à résoudre ce problème. Dans un article publié en janvier 2023 dans PNAS, les chercheurs décrivent la conception et la réalisation de leur propre robot sauteur, associant le meilleur des domaines du vivant et de la robotique.
Leur trouvaille repose sur le flambage dynamique en cascade. Autrement dit, un mode de déformation structurelle en présence d’une charge, capable de déclencher une séquence automatique menant au saut en lui-même. À l’intérieur de l’insecte-robot, un muscle artificiel vient s’enrouler autour d’une « poutre » représentant la charnière du taupin. En se contractant, l’unique actionneur qu’est le muscle vient activer la déformation puis la détente de la poutre. L’ensemble du système, nommé JUMPA (Jumping with Unidirectional Muscles and Power Amplification), consiste en un mécanisme ultraléger d’une masse de 1,6 gramme et d’une longueur d’à peine 2 centimètres. Le tout permet au robot de sauter jusqu’à 90 centimètres de hauteur, soit près de 40 fois sa taille ! L’appareil mis au point par Sameh Tawfick et son équipe a l’avantage de concurrencer les macro-robots en termes d’énergie, tout en possédant la taille réduite, l’accélération extrême et le temps de réponse rapide typiques des insectes. À l’avenir, des flottes de taupins-robots pourraient servir en agriculture pour surveiller les cultures, en maintenance pour des turbines et autres moteurs afin de localiser un potentiel problème, ou même dans des situations de sauvetage.
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