Le tritium est un élément radioactif présent dans les centrales nucléaires. Grâce à l'utilisation de faisceaux laser impulsionnels, des scientifiques de l'Université de Rouen Normandie sont parvenus à traiter des matériaux contaminés tout en s'assurant que tous les atomes de cet élément ont été retirés. Ils veulent à présent industrialiser leur procédé.
Le tritium est un isotope de l’hydrogène, produit en grande quantité dans les centrales nucléaires. Sa radioactivité est relativement faible puisque après un peu plus de 12 ans, la moitié de ses atomes sont désintégrés et transformés en hélium. Sa surveillance est malgré tout importante sur le plan sanitaire. Des doses de tritium peuvent, entre autres, se trouver en quantités importantes dans certains matériaux ayant été en contact prolongé avec un environnement tritié. Au sein d’un projet baptisé Padawann, des scientifiques de l’Université de Rouen Normandie ont développé une méthode basée sur le pouvoir du laser pour les décontaminer.
Le procédé consiste à réaliser une interaction entre des faisceaux laser impulsionnels et les matériaux contaminés. Le rayonnement laser doit être suffisamment énergétique, et la température qui résulte de l’interaction doit dépasser le point de fusion, et peut même aller jusqu’au point d’ébullition, voire au-delà pour que le matériau passe à l’état de gaz et qu’une fine couche de métal se retire de la surface de ce dernier. Cette technique est donc destructive, mais seulement en surface. La petite épaisseur de matière à retirer ne fait que quelques dizaines de microns, et dépend de la profondeur de pénétration du tritium.
« L’innovation vient du fait qu’en même temps que l’on retire cette couche, on parvient à vérifier la quantité de tritium encore présent, explique Arnaud Bultel, maître de conférences en physique à l’université de Rouen Normandie du Carnot ESP. Grâce au processus d’interaction laser-matière, la température devient très élevée et une lumière est émise, et l’on réussit à l’analyser par spectroscopie. C’est ainsi qu’on obtient un moyen de mesurer la quantité de tritium en direct, pour vérifier qu’on a retiré une couche suffisante de matière et qu’il n’y a plus de tritium sur le matériau. »
Des tests au CEA Saclay, habilité à manipuler des échantillons contenant du tritium, ont déjà été réalisés. Encore au stade du laboratoire, l’objectif est à présent d’industrialiser cette technologie. Elle devrait principalement être utilisée pour décontaminer des matériaux métalliques, qui sont le plus souvent en interactions avec des environnements tritiés. Et notamment l’acier 316L, très employé dans l’industrie nucléaire, ainsi que le tungstène, classé dans la catégorie des métaux réfractaires, comme l’explique le chercheur : « L’interaction laser-matière est très bien placée en termes d’efficacité, car l’on peut très facilement atteindre le point d’ébullition du tungstène qui est très haut [il est atteint à 5 555 degrés, Ndlr]. Ces matériaux réfractaires, qui sont difficiles à traiter d’un point de vue thermique, le sont facilement avec des impulsions laser. »
Extraire le tritium des micros et nanoparticules de matière
Les scientifiques ne veulent pas s’arrêter là. Car si le matériau se trouve décontaminé, la couche superficielle de retrait, qui se présente sous la forme d’une poudre, reste quant à elle contaminée. Dans une deuxième étape, les chercheurs veulent traiter les micros et nanoparticules de matières obtenus lors de la première étape, et en extraire le tritium. Là encore, le procédé de traitement reposera sur les propriétés des impulsions lasers, mais les chercheurs souhaitent rester discrets sur cette technologie, qui fait l’objet d’un brevet.
« Il s’agit d’un travail prospectif, complète Arnaud Bultel. Sur le papier, il fonctionne, mais on peut ne pas avoir pensé à tous les problèmes potentiels et la preuve de concept doit encore être réalisée. Si on se contente d’enlever la couche de tritium du matériau, on a en quelque sorte déplacé la contamination, car le tritium est toujours présent dans un matériau sous forme de poudre. C’est pour cela que nous souhaitons aller au bout, et le retirer de ces microparticules et récupérer les atomes de tritium pour les réemployer dans d’autres process, par exemple pour les injecter dans un réacteur de fusion nucléaire. »
Le projet Padawann a remporté un appel à projet France 2030. D’une durée de quatre ans, il doit s’achever en janvier 2027.
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