Mark Jacobson de l’université Stanford et initiateur de « The Solution Project » a montré dans un article publié dans la revue scientifique Nature que les parcs éoliens offshore peuvent protéger les littoraux contre les tempêtes. Mais la solution proposée par l’ingénieur français François Lempérière a un potentiel de protection encore plus élevé.
Selon les scientifiques du programme Ice2sea (2013), le niveau marin pourrait monter entre 16,5 et 69 centimètres d’ici 2100. Les Hollandais ont montré qu’il est possible de protéger de grands espaces littoraux grâce aux polders. Une montée du niveau marin de 100 centimètres aurait par exemple en Pologne, du fait des terres immergées, un impact évalué par les études gouvernementales du pays à entre 28 et 46 milliards de dollars. Une protection complète contre ce risque coûtera 6,1 milliards, c’est à dire bien moins cher.
Des champs d’hydroliennes boostées par des digues concentratrices (« Tidal Gardens »)
Mais il existe peut-être une façon encore plus pertinente de protéger ces espaces littoraux. François Lempérière, lauréat de l’Académie des Sciences et ancien président de comités au sein de la Commission Internationale des Grands Barrages, propose de construire de longues digues en mer, digues qui laissent passer l’eau au niveau de chenaux équipés de cohortes d’hydroliennes.
Le courant de marée est concentré par ce dispositif baptisé « Tidal Garden » (jardin d’hydroliennes, jardin marémoteur) et passe à une vitesse augmentée et relativement constante à travers les chenaux. Les digues agissent comme des concentrateurs d’énergie marémotrice, de la même manière que les miroirs concentrent les rayons du soleil dans le cas du solaire à concentration thermodynamique (CSP) ou photovoltaïque (CPV). Et de la même manière que le courant de marée est amplifié dans la Manche du fait de la présence de « digues naturelles », les littoraux français et britanniques et une profondeur réduite.
Une vitesse augmentée signifie une plus grande quantité d’électricité délivrée pour chaque hydrolienne installée. Cela a une conséquence positive sur le prix de revient du kWh hydrolien délivré, y compris en intégrant le coût des digues. Il est alors possible d’installer des hydroliennes sur des sites à amplitude de marée (marnage) relativement faible ceci tout en ayant une équation économique intéressante. Grâce à cette approche concentratrice, à la capture de l’énergie des courants grâce aux digues qui fonctionnent comme de grands filets de pêche, le potentiel mondial de l’hydrolien est alors très sérieusement augmenté.
Sur chaque cycle de marée de 12 heures (6 heures montante et 6 heures descendante) seules les deux heures de l’étale de pleine mer et de basse mer ont une production nulle. Cela signifie que l’on peut produire de l’électricité hydrolienne 16 heures sur 24.
Un impact écologique, économique et social positif
Contrairement aux digues complètement hermétiques elles sont ici ouvertes par les chenaux. Les oscillations naturelles du niveau marin sont préservées dans le bassin intérieur d’où un impact limité sur la biodiversité littorale. Et les poissons et autres espèces marines peuvent passer sans problème au niveau des chenaux. Cela devrait faciliter l’acceptation des projets par les groupes de protection de l’environnement.
Les jardins d’hydroliennes et leurs digues contribuent à créer un nouveau biotope favorable à l’installation de nombreuses espèces qui aiment vivre fixées à des surfaces dures. C’est l’effet récif bien connu des pêcheurs. Les digues peuvent d’ailleurs servir de voies d’accès pour différentes activités exploitant les ressources biologiques marines: mytiliculture, ostéïculture, pisciculture etc. L’effet protecteur des digues permet aux investisseurs de ne plus craindre l’effet destructeur des tempêtes. Les pêcheurs à la ligne amateurs pourraient profiter des chenaux concentrateurs pour optimiser leurs prises.
La houle est complètement cassée par le dispositif, ce qui limite la dégradation des dunes littorales et la submersion de terres cultivées ou habitées lors de tempêtes. L’intérêt est ainsi à la fois écologique, économique et social. Notamment lors des fortes tempêtes comme celle que l’Europe de l’ouest a connu durant l’hiver 2013-2014. C’est en effet lors de la conjonction d’une pleine mer à fort coefficient de marée et d’une tempête que les littoraux sont particulièrement vulnérables. Le reste du temps il n’y a pas de problème.
Autant d’atouts pour augmenter la qualité de vie sur les communes littorales, ceci tout en produisant de l’électricité 100% renouvelable et entièrement prévisible.
Côté mer, les digues peuvent servir pour fixer des dispositifs de capture de l’énergie des vagues (houlomotrice), du type SeaRaser.
Environ 25000 MWh par kilomètre-carré et par an
« On peut produire 10 à 40 GWh/an/km² de réservoir suivant l’amplitude H de la marée locale » estime François Lempérière, qui a participé à la construction d’une vingtaine de grands barrages, canaux et endiguements, notamment sur le Rhône, le Rhin, le Nil et le Zambèze et à la conception d’une dizaine de ces ouvrages.
L’ingénieur hydroélectricien propose en prime d’intégrer des stations de pompage turbinage (STEP marines) au dispositif, afin de délivrer de l’électricité à la demande et de contribuer à aider les gestionnaires des réseaux électriques. Il s’agit de piéger l’eau à marée haute, et de la laisser filer quand c’est utile pour produire de l’électricité par l’intermédiaire de turbines.
Cerise sur le gâteau renouvelable, on peut installer des panneaux solaires et des éoliennes à axe vertical ou classiques sur les digues, ainsi que des parcours pour des promenades à pied, à vélo ou à cheval, avec une magnifique vue sur le littoral. Des ports de plaisance pourrait également se greffer aux digues en place, ainsi que des bars en terrasses. Les communes concernées pourraient alors tirer profit toute l’année d’un tourisme écologique et des groupes scolaires curieux de découvrir cette pépinière écotechnologique marine.
Le gouvernement Belge étudie actuellement les STEP marines. Une STEP en bordure de falaise et à eau de mer existe déjà sur l’île japonaise d’Okinawa et EDF SEI (Système Electriques Insulaires) va en construire une en Guadeloupe.
La Région Nord-Pas-De-Calais s’y intéresse également, collectivité qui a fait appel pour son plan de transition énergétique au prospectiviste américain Jeremy Rifkin auteur du livre « La troisième révolution industrielle ».
François Lempérière estime que les jardins d’hydroliennes ont le potentiel de répondre à 20% de la demande électrique française.
Par Olivier Daniélo
- En savoir plus : Les jardins hydroliens et Les Hydroliennes peuvent produire vingt pour cent de l’électricité française.
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