La start-up UV Boosting a mis au point un procédé pour activer la résistance des plantes face à l'arrivée de maladies. Elle vient de commercialiser un équipement pour traiter les vignes grâce à des flashs lumineux. Entretien avec Yves Matton, le directeur technique de l'entreprise.
En 2015, deux chercheurs de l’Université d’Avignon – Laurent Urban, professeur en agronomie et écophysiologie végétale et Jawad Aarrouf, maître de conférences en biologie et pathologies végétales – découvrent que les flashs d’UV-C viennent activer la résistance des plantes face à divers pathogènes. L’année d’après, ils présentent leur nouvelle technologie à Yves Matton, le cofondateur de Technofounders, un start-up studio spécialisé dans la création de jeunes sociétés technologiques. Des études de marché sont réalisées et révèlent qu’il est possible de valoriser cette technologie dans le secteur agricole, notamment celui de la viticulture, pour traiter les maladies fongiques. En 2016, tous les trois décident de créer la start-up UV Boosting. Depuis le printemps, l’entreprise a lancé officiellement la commercialisation d’un équipement pour traiter les vignes. Rencontre avec Yves Matton, le directeur technique d’UV Boosting.
Techniques de l’Ingénieur : Comment fonctionne votre technologie ?
Yves Matton : Elle consiste à appliquer des flashs d’UV-C pendant moins d’une seconde sur les plantes. Ces flashs vont venir activer leur système immunitaire, car ils transmettent un message à la plante lui indiquant qu’elle doit se préparer à une potentielle agression. Nous avons démontré, grâce à une cartographie des gènes, que le procédé active plus de 200 gènes de défense, connus pour être mis en œuvre par la vigne en réponse à l’agression d’un pathogène comme l’oïdium et le mildiou. Ces deux champignons représentent environ 80 % des traitements pesticides utilisés sur les vignes. Notre procédé va venir préparer la plante à cette agression. Et dans le cas où un champignon se présente, la plante va réagir de manière plus rapide et plus forte. Elle est donc capable de limiter par elle-même le développement de la maladie.
Concrètement, quels sont les bénéfices apportés par votre procédé ?
Depuis 2016, nous avons réalisé de nombreux essais en laboratoire et à partir de 2017 sur des vignes. Nous avons ainsi quatre saisons de recul sur de nombreux vignobles du sud-est, du Bordelais, de la Bourgogne, de la Champagne, et même à l’international en Afrique du Sud. Nous comparons toujours les modalités d’un traitement antifongique à pleine dose, allégé, ou très allégé avec ce même traitement, mais complété par des flashs d’UV-C. A chaque fois, nous observons une diminution des symptômes sur la vigne de l’ordre de 50 % grâce à notre technologie. Cela signifie qu’en situation standard, la perte de rendement suite à l’arrivée d’une maladie est divisée par deux.
Sur le marché, il existe des simulateurs de défense des plantes (SDP) vendus par des firmes phytosanitaires qui viennent aussi activer leur système immunitaire mais leur formulation manque de stabilité et leur efficacité n’est pas constante. Notre procédé a démontré un niveau de répétabilité très élevé c’est-à-dire que quel que soit le vignoble, l’année, et même le type de plante – car ces flashs lumineux ne sont pas seulement efficaces sur la vigne – les résultats sont extrêmement répétables. De plus, nous n’utilisons aucun produit chimique alors que les SDP en contiennent.
Comment s’utilise votre technologie ?
L’équipement s’installe à l’avant ou à l’arrière des tracteurs. Il se présente sous la forme de panneaux verticaux qui émettent des flashs lumineux et qui circulent le long de chaque plant de vigne. Il coûte 36 000 euros pour le modèle un rang et 54 000 euros pour deux. Ce procédé est principalement préventif, il faut donc commencer à l’utiliser dès le début de la saison, avant l’apparition des symptômes et ensuite en entretien pendant toute la saison. Pour la viticulture, on commence au stade des premières feuilles et ensuite, il faut poursuivre tous les 10 à 15 jours jusqu’à la véraison qui se situe dans le courant du mois de juillet. Entre 8 à 10 passages sont donc à effectuer suivant la région et la pression des maladies. Nous travaillons à l’optimisation de notre système afin de réduire le nombre total de ces passages. Il faut savoir que l’indice de fréquence des traitements (IFT) est d’environ 15 passages en viticulture avec des différences selon les régions, et cela peut même monter jusqu’à 19 ou 20.
À qui s’adresse votre équipement ?
Depuis le printemps, nous commercialisons un équipement adapté à la vigne. Il s’adresse aux viticulteurs qui souhaitent alléger leurs traitements chimiques. Notre solution permet en effet de réduire l’usage des pesticides de 30 à 60 %. Actuellement, il y a une très forte accélération des conversions en agriculture biologique dans la viticulture. Les viticulteurs ont alors à leur disposition beaucoup moins de produits pour protéger leurs cultures, principalement du cuivre et du souffre, mais leur durée d’efficacité n’est pas très longue. Ils voient notre solution technologique comme une façon de limiter la perte de rendement en cas de saison propice au développement de maladies.
Nous développons aussi notre procédé pour la fraise ; l’équipement devrait être commercialisé durant la deuxième partie de l’année. L’intérêt est le même que pour la vigne, c’est-à-dire de sécuriser les rendements face à l’arrivée de maladies, notamment l’oïdium et le botrytis. Après le passage de notre équipement, il n’y a pas de délai avant de pouvoir ré-entrer dans les serres ou pour récolter les fruits. C’est un atout important, car après l’utilisation de produits chimiques, il faut attendre avant de pouvoir pénétrer à nouveau dans les serres et cueillir les fraises. En pleine saison, cette contrainte peut pénaliser les rendements, car la cueillette doit être journalière afin de récolter le fruit au bon stade de maturité.
Le mécanisme de notre technologie est assez universel, nous lançons des partenariats de recherche pour qualifier son efficacité et optimiser son utilisation sur d’autres plantes : asperges, tomates, pommiers…
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