Bancs de poissons, nuées de sauterelles et autres colonies de fourmis forment des structures collectives en pleine nature. Or, le groupe est amené à faire face à diverses situations et doit alors être capable d’y réagir rapidement tout en gardant sa cohésion. Pouvoir jongler aisément entre réaction et cohésion demande aux animaux de faire continuellement la différence entre les informations utiles (ceci est une source de nourriture, ceci est un prédateur) et le « bruit de fond » environnant. En y parvenant, ces collectifs vivants finissent par surpasser la somme de leurs parties et répondre plus efficacement aux menaces et aux défis qu’ils rencontrent. C’est en s’inspirant de cette « intelligence collective » que les deux chercheurs de l’université du Texas à Austin (États-Unis), Zhihan Chen et Yuebing Zheng, ont eu l’idée de l’appliquer à un essaim de minuscules machines. Ils ont travaillé pendant plus d’un an pour tenter de recréer des interactions sociales parmi leur armada robotique, en vue d’obtenir un groupe parfaitement coordonné. Les résultats sont parus début avril 2024 dans le journal Science Advances.
Des essaims de robots travaillant en groupe
Dans la nature, une hypothèse veut que les poissons d’un banc s’effarouchent une fois que le nombre de signaux d’avertissement émis par leurs voisins franchit un certain « seuil de danger ». Ainsi, le banc tout entier adapte en quelque sorte sa « sensibilité » à son environnement proche. Pour imiter ce comportement, les chercheurs ont affublé leur essaim d’un nouveau trait distinctif : la temporisation adaptative. Ainsi, chaque robot ajuste son déplacement au sein du groupe en fonction des changements de l’environnement local. Avant de passer à la machinerie, Zhihuan Chen et Yuebing Zheng ont testé leur concept avec des microsphères de silice d’un diamètre moyen de 1,97 μm (les robots) placées en solution (l’environnement). En effet, chaque particule a beau être guidée par un rayon laser individuel, le mouvement brownien (le déplacement aléatoire d’une particule immergée dans un liquide) fait que sa direction réelle dévie. Le système d’expérimentation simule ainsi la réponse de l’essaim à un environnement « bruyant », en perpétuel mouvement.
L’expérience a montré aux scientifiques l’efficacité de leur temporisation adaptative. La réactivité de l’essaim modifié a été multipliée par 1,6 comparée à celle d’un essaim standard, soit un gain de temps d’environ 38 %. Et ce, sans perdre la cohésion du groupe pour autant ! En associant la temporisation adaptative à du transport longue distance et à des capacités d’évitement d’obstacles, l’idée d’un prototype d’essaim robotique intelligent est loin d’être farfelue. Dans un premier temps, la temporisation adaptative pourrait fournir une meilleure efficacité aux flottes de drones autonomes. Mais par la suite, des essaims de mini-robots pourraient très bien servir à délivrer des médicaments de manière ciblée ou encore à décontaminer des eaux polluées. Pour le moment, les chercheurs de l’université du Texas à Austin s’évertuent à tester les limites de leur invention en multipliant les obstacles. La prochaine étape devrait ainsi consister à passer d’une solution stationnaire à un liquide en écoulement.
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