Décryptage

Des dendrimères qui permettent d’encapsuler des molécules

Posté le 20 juillet 2009
par La rédaction
dans Chimie et Biotech

[Interview] Fabien Granier (Colcom)
Colcom développe et produit des dendrimères greffés de la lysine grâce à un brevet déposé en 2005 par des chercheurs universitaires de Montpellier. Les applications de ce procédé sont nombreuses, aussi bien en sciences de la vie que dans le domaine de l'environnement. Interview de Fabien Granier, manager de la start-up.

Créée en mars 2008, Colcom prévoit de réaliser un chiffre d’affaires de 120.000 euros en 2009, avec un effectif de trois salariés auquel il faut ajouter quatre chercheurs universitaires. Issue de l’incubateur LRI (Languedoc Roussillon incubation) et soutenue par Oseo, cette start-up exploite un brevet déposé en 2005 par des chercheurs universitaires de Montpellier (au sein d’une unité mixte CNRS / université de Montpellier 2).

Techniques de l’ingénieur : Colcom développe et produit des dendrimères greffés de la lysine (DGL), de quoi s’agit-il ?

Fabien Granier : Dendron signifie arbre en grec. Le dendrimère est donc un polymère qui se développe de manière arborescente. Une première molécule est utilisée comme amorceur pour la génération suivante. La première génération est une molécule linéaire sur laquelle on fait croître de nouveaux linéaires, tels des branches. A partir de huit sites d’accroche sur la première génération, on passe ainsi à 48 sites d’accroche pour la deuxième génération, et ainsi de suite de génération en génération. L’unité élémentaire est la lysine, un acide aminé essentiel, qui n’est pas produit par le corps mais fourni par l’alimentation et nécessaire à la vie. Il s’agit de nanomolécules de 2 à 12 nanomètres en fonction des générations. Notre brevet porte sur le procédé, la structure des molécules et sur certaines applications.

Quelles sont les applications possibles ?

Les applications sont nombreuses, notamment en sciences de la vie, comme la délivrance de médicaments par exemple. Etant donné que ces molécules présentent 80 % de volume libre, on peut travailler à encapsuler des molécules, des principes actifs ou des brins d’ADN.

A qui vendez-vous les DGL ?

Nous vendons les DGL à des laboratoires de recherche, surtout publics, aux Etats-Unis (NIH, MIT), en Europe ou encore en Chine. En France, nous travaillons de préférence sur des collaborations pour monter des projets ANR (Agence nationale de la recherche) sur des sujets amonts.

Développez-vous des applications en interne ?

Nous développons des applications dans le domaine de l’environnement, dabs la détection de bactéries dans l’eau, dans le traitement et la filtration des eaux. En partenariat avec notre distributeur GLBiocontrol, nous commercialisons par exemple Dendridiag, un kit rapide de détection ultra-sensible de bactéries dans les eaux. La plus forte valeur ajoutée de ce kit se situe sur les réseaux d’eaux ultra-pures dans les domaines de la microélectronique et de la pharmacie. Nous sommes les premiers à atteindre la sensibilité requise d’une bactérie par millilitre, couplée à une analyse en moins de cinq minutes sur site. Dans le secteur de la microélectronique par exemple, le monitoring de la qualité biologique de l’eau est un point fondamental du processus de production. Un wafer de silicium est rincé avec plusieurs milliers de litres d’eau ultra-pure lors de sa fabrication et il faut éviter tout dépôt bactérien. Or les méthodes classiques de culture en laboratoire ne sont pas toutes pertinentes aux vues des souches bactériennes incriminées et, surtout, nécessitent plusieurs jours d’attente. Nos développements ont pour but d’associer à notre premier succès de l’ultra-sensibilité celui de la spécificité, et ainsi de repousser les seuils de détection de cibles spécifiques (légionellose, staphylocoque, etc..). Nous venons d’ailleurs d’être retenu par l’ANR parmi les vingt projets nationaux qui seront financés dans le cadre de l’appel à projets Matetpro.

Et dans le domaine de la santé ?

Nous n’envisageons pas d’applications pour la santé développées en interne dans les trois prochaines années. Pour autant, les connaissances que nous développons actuellement sur le secteur de la biologie seront à la base de développements futurs pour le domaine de la santé. Et nous avons initié quelques coups de sonde avec des partenaires français ou étrangers sur certaines applications, mais il est encore bien trop tôt pour en parler.

Quel regard portez-vous sur l’évolution des nanotechnologies ?

Il faudrait clarifier la définition des nanotechnologies et éviter les amalgames, notamment pour les problématiques liées à la santé et à la toxicité. Nous n’avons pas de problème avec nos clients, qui intègrent immédiatement notre spécificité. Les confusions viennent surtout du grand public et des institutions. Vivement la mode des femtotech ! Que les amalgames se déplacent sur un autre secteur…

Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées dans la création de Colcom ?

L’une des principales difficultés que nous avons rencontrées a été de réduire le champ des possibles de notre technologie pour nous focaliser sur les secteurs les plus prometteurs en termes de rentabilité de marché. En effet, notre technologie est susceptible d’être positionnée sur des applications qui vont même au-delà des sciences de la vie. Et, dans ce dernier domaine, les applications sont déjà très nombreuses. Le risque était de nous disperser et de ne pas optimiser nos premiers moyens, qui pour une start-up restent en général limités. Les premiers résultats semblent montrer que nous avons opté pour les bons choix. Mais beaucoup reste encore à faire.Propos recueillis par Corentine Gasquet


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