Plus de 1,5 million de tonnes de particules issues de l’usure des pneus sont émises chaque année rien qu’aux États-Unis. Ces particules comptent pour près de 30 % des microplastiques libérés dans l’environnement, et représentent 5 à 10 % de tous ceux retrouvés dans les océans mondiaux. Après s’être accumulées sur les routes et les parkings, elles sont transportées jusqu’aux écosystèmes aquatiques par les eaux de pluie. Or, au-delà de la pollution plastique, certaines de ces particules sont extrêmement toxiques pour la faune locale. Ainsi, l’anti-ozonant 6PPD, qui retarde la dégradation du caoutchouc des pneus, se transforme en 6PPD-quinone (ou 6PPDQ) sous l’effet de l’ozone ou de l’ensoleillement. Ce produit chimique est mortel pour les saumons coho (Oncorynchus kisutch), et notamment pour les futurs géniteurs et génitrices. Face au danger environnemental, Chelsea Mitchell et Anand Jayakaran, tous deux membres de l’université d’État de Washington à Pullman (États-Unis), ont cherché un moyen efficace de retirer ces polluants de l’environnement avant qu’ils n’atteignent les rivières urbaines…
Les chaussées perméables à la rescousse des saumons coho
Les chaussées imperméables forment un véritable boulevard pour les contaminants issus des pneus de voitures. Et si on les rendait perméables ? C’est l’idée avancée par les deux chercheurs basés à Pullman. Leur chaussée perméable consiste en une couche supérieure poreuse, avec des espaces vides connectés pour laisser l’eau s’infiltrer, posée sur une couche de gravier, elle-même surplombant un drain souterrain capable de capturer les effluents. Durant les expériences menées à l’IDEA (Industrial Design Engineering and Art) High School de Tacoma, les scientifiques ont pu tester leur système conçu à partir de béton et d’asphalte, avec et sans fibres de carbone durcies, ces dernières visant à améliorer la résistance de l’ensemble, fragilisée par la porosité du matériau.
Après leurs tests réalisés entre le 23 et le 25 août 2021, Chelsea Mitchell et Anand Jayarakan ont pu analyser les résultats… et s’en réjouir ! Leur chaussée perméable a retenu plus de 96 % de la masse des particules issues des pneus, et entre 14 et 100 % de leurs produits chimiques solubles. Quant au 6PPDQ, ils ont observé une réduction moyenne de sa masse de 68 %. La conclusion, présentée le 15 janvier 2024 dans le journal Science of The Total Environment, laisse présager que l’invention des deux chercheurs pourrait fournir un type d’infrastructure verte pour le traitement des eaux de pluie. D’autant plus que les fibres de carbone ont parfaitement joué leur rôle de renfort ! Un premier pas prometteur vers un déploiement sur les routes au trafic élevé, là où le risque environnemental est le plus fort.
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