Les caméras de vidéosurveillance ne sont plus toujours vouées uniquement à la sécurité. Dotées d'algorithmes qui analysent instantanément l'image, elles peuvent servir à mesurer la fréquentation d'un magasin ou gérer des files d'attente.
Le terme «vidéosurveillance» – ou «vidéoprotection» selon l’euphémisme en vigueur – n’accompagne même plus le mot «caméra» tant l’association semble faire sens. Malgré tout, si la sécurité et la sûreté demeurent ses priorités, une caméra peut être employée à d’autres fins. «En supplément de notre activité principale liée à la sécurité, nous avons développé depuis deux ans la gestion de flux, basé sur le comptage, témoigne Jean-Baptiste Ducatez, directeur de Foxstream, société spécialisée dans l’analyse et le traitement automatique d’images vidéo. Notre algorithme FoxVigi permet de détecter une intrusion dans un périmètre donné, mais aussi de compter des personnes ou de gérer une file d’attente.»
Le comptage, qui détermine si une personne franchit une ligne virtuelle dans l’image filmée par la caméra, trouve des débouchés dans le commerce et le marketing. «Toutes les boutiques de Bouygues Telecom en France sont équipées de notre algorithme, poursuit Jean-Baptiste Ducatez. La caméra en position zénithale surplombe l’entrée du magasin et distingue les personnes entrantes des personnes sortantes. Ainsi la fréquentation des magasins par région, par date, etc. est-elle connue et l’impact d’une promotion est-elle analysé.» Le taux de transformation, c’est-à-dire le rapport entre les visites et les achats, peut être déduit en comparant ces statistiques et l’émission de tickets de caisse.
D’autres applications dérivent du comptage, comme la mesure du taux d’occupation. «Notre algorithme Lynx, au travers d’une caméra, est capable de recenser les personnes ayant occupé l’espace devant tel ou tel rayon d’un magasin» explique Laurent Assouly, directeur marketing d’Evitech, une autre société experte en matière d’analyse d’image pour la sécurité. Ces zones chaudes et zones froides constituent de précieuses informations pour les services commerciaux. C’est une fonction qui peut aussi être mise à profit dans un espace public. «La SNCF l’a utilisée à la Gare Saint Lazare quand Burger King s’est implanté dans la galerie marchande, afin d’analyser les répercussions sur la circulation autour de cette zone» ajoute Laurent Assouly. FoxVigi de Foxstream est quant à lui employé dans les aéroports de Lyon et Roissy Charles de Gaulle, entre autres. «Devant chaque PIF (Poste inspection filtrage, zone où les passagers et leurs bagages sont inspectés, Ndlr), notre algorithme compte le nombre de personnes dans la file d’attente et, en fonction du débit sortant, calcule puis affiche le temps d’attente estimé, décrit Jean-Baptiste Ducatez. L’information est intéressante pour les voyageurs et les services d’exploitation, qui jugent s’il faut ouvrir un PIF supplémentaire ou non.»
La précision est assez surprenante. «Notre solution a été testée dans un festival de musique. En comparaison avec le nombre de tickets RFID vendus, c’est-à-dire la réalité du terrain, elle a atteint une précision de 99,5%» se félicite Laurent Assouly. C’est une performance supérieure à celle d’autres techniques employées dans les magasins, basées des faisceaux infrarouges par exemple. «Mais attention, une précision de 70% peut suffire dans un magasin, prévient Laurent Assouly. Ce qui importe le gérant, c’est davantage la tendance qu’un chiffre exact.»
Ces algorithmes sont tributaires d’une puissance de calcul que, évolution des processeurs aidant, certaines caméras sont désormais en mesure de satisfaire. Quelques fabricants de caméras, comme Axis (aujourd’hui propriété de Canon) et Samsung, prévoient un espace mémoire réservé à des éditeurs tiers et l’algorithme fonctionne alors en version embarquée. A titre d’illustration, FoxVigi ne pèse qu’un petit mégaoctet. Cette option est parfois source d’économies. «Bouygues Telecom, grâce à notre algorithme embarqué, s’est épargné l’acquisition de quelque 500 PC» estime Jean-Baptiste Ducatez.
Il existe néanmoins des contraintes techniques. D’une part, la caméra doit être fixe, non motorisée. D’autre part, si la puissance de calcul des caméras s’améliore, elle n’est pas encore au niveau de celle d’un PC moyen. «Des traitements tels que les allocations mémoire sont beaucoup plus lents quand l’algorithme fonctionne dans la caméra, constate Laurent Assouly. De fait, la taille de l’image analysée doit être réduite, donc la portée de la caméra.» Ce n’est pas problématique quand la caméra est posée sous le plafond à quelques mètres de hauteur, à l’entrée d’un magasin. Ca le devient quand il s’agit de détecter des intrusions ou de compter des individus sur de grandes superficies.
Par Frédéric Monflier
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