Utilisée depuis des siècles, la brique cuite de couleur rouge-orange est un matériau fréquemment employé dans la construction de bâtiments et des maisons d’habitation. Des chercheurs de l’Université de Washington à Saint-Louis aux États-Unis sont parvenus à stocker de l’énergie dans ces briques puis à la restituer. Leur travail de recherche vient d’être publié dans Nature communications et s’appuie sur un composé présent dans ces briques : l’hématite. Cet oxyde de fer, naturellement abondant et peu cher, est couramment utilisé dans la fabrication de catalyseurs, d’aimants et autres alliages.
Cette innovation exploite la nature poreuse de ces briques. En effet, à l’échelle microscopique, elles possèdent de nombreuses petites aspérités à leur surface, multipliant ainsi le contact avec l’hématite, dont le poids représente environ 8 % du poids total d’une brique. Pour rendre ces briques capables de stocker puis de restituer de l’énergie, les chercheurs les chauffent à 160 degrés et vaporisent à leur surface de l’acide chlorhydrique ainsi qu’un composé organique nommé l’EDOT (3, 4-éthylenedioxythiophene). Au contact de l’hématite, une réaction chimique de polymérisation se produit, créant un nouveau composé nommé le PEDOT (poly(3,4-éthylènedioxythiophène)). Ce polymère, composé de fibres microscopiques enchevêtrées, se trouve emprisonné dans la surface poreuse de la brique. Il forme une couche continue et électriquement conductrice sur chaque face de la brique qui prend alors une coloration noire. Toute la surface de la brique se comporte ainsi comme un supercondensateur.
10 000 cycles de stockage et déstockage
Pour l’instant, la quantité d’énergie que ces briques peuvent emmagasiner reste faible, mais ce travail de recherche consiste avant tout à démontrer une preuve de concept. « Grâce à une soixantaine de briques, nous avons réussi à alimenter une lampe de trois watts pendant 50 minutes, explique Julio M. D’Arcy, professeur à l’Université de Washington et auteur principal de cette étude. Mais il ne faut que 13 minutes à ces briques pour se recharger ». L’étude révèle que cette technologie possède une longue durée de vie puisque même après 10 000 cycles de stockage et déstockage, ces briques conservent encore 90 % de leur capacité d’origine. De plus, ces cycles ne semblent pas altérer la vitesse de charge et de décharge. Grâce à l’application d’une couche de protection en époxy, ces briques conservent une résistante à l’eau ainsi que leur capacité à stocker de l’électricité.
La principale utilisation de cette technologie serait de l’associer à une maison possédant des panneaux solaires. Ces briques pourraient alors stocker l’électricité non consommée et ainsi pallier l’intermittence de cette énergie renouvelable. « Ces briques seraient localisées dans les zones de la maison ayant le plus besoin d’énergie comme la cuisine, précise Julio M. D’Arcy. Inversement, les couloirs en seraient moins pourvus. Nous envisageons un avenir où l’assemblage des maisons se réalisera comme des Lego, rendant nos habitations vertes, autosuffisantes en énergie et moins dépendantes en câbles électriques. »
Cette technologie est d’ores et déjà brevetée et, d’après le chercheur, des discussions sont actuellement engagées avec plusieurs entreprises en Europe et aux États-Unis afin d’envisager sa commercialisation. « Nous sommes très enthousiastes car nous avons déjà développé la prochaine génération de briques et nous savons que nous pourrons augmenter sa capacité énergétique de 50 %, confie Julio M. D’Arcy. Après optimisation, nous prévoyons qu’en 2021, ces briques seront plus intelligentes et auront le potentiel d’être intégrées dans l’architecture de construction de bâtiments et des applications dans le domaine de l’énergie. »
Dans l'actualité
- Trois défis à relever pour une transition réussie vers le 100% énergies renouvelables
- Trois techniques originales pour stocker l’énergie renouvelable
- Quels réseaux pour la ville du futur ?
- L’île de Kaua’i démontre qu’il est possible d’atteindre de très hauts niveaux d’énergies renouvelables variables dans un mix électrique grâce au stockage batterie
- Le nucléaire restera le pilier du mix électrique français
- Un nouvel aimant moléculaire capable de rivaliser avec les aimants traditionnels
- Futur mix électrique : RTE met de nombreuses options sur la table