Le Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) teste un matériau breveté par l'entreprise Colas pour éviter la remontée des fissures de sécheresse. Cette expérimentation s'inscrit dans un projet de recherche plus global appelé Observatoire des Routes Sinistrées par la Sécheresse (ORSS).
L’impact de la sécheresse sur les maisons est bien connu grâce à la prise en charge des dégradations par les sociétés d’assurance. Dans le cas des routes, dont l’entretien revient aux départements, ce phénomène est beaucoup moins étudié. En cause, la difficulté à différencier les dégradations habituelles liées, entre autres, au trafic et à l’action du gel et du dégel, et celles en lien avec le réchauffement climatique.
Pourtant, depuis 2015, des déformations inhabituelles de la chaussée sont observées, comme l’explique Lamine Ighil Ameur, chercheur en Mécanique des Sols au Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) : « Avec l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des périodes de sécheresse, on constate la formation de fissures longitudinales proches des bords des chaussées, accompagnées d’un tassement différentiel et la formation d’une marche. Ces dégradations constituent un danger pour la sécurité des usagers. Elles s’observent encore plus dans les zones boisées à cause des racines des végétaux qui captent l’eau du sol sous la chaussée. Des accotements larges ont aussi tendance à amplifier l’évapotranspiration et à augmenter les déformations de la route, de même que la présence de sols argileux très plastiques, qui ont la particularité d’être sensibles au phénomène de retrait et de gonflement. »
Depuis 2017, en partenariat avec les Conseils départementaux de la région Centre-Val de Loire, le Cerema mène un projet de recherche appelé ORSS, pour Observatoire des Routes Sinistrées par la Sécheresse, au sein duquel plusieurs solutions techniques sont développées pour conforter les routes endommagées. L’une d’elles vient de débuter dans le Cher avec la pose de blocs de polystyrène expansé sous la structure de chaussée.
Éviter le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux
L’expérimentation se déroule sur une portion de 170 mètres d’une route départementale reliant Morlac et Vallenay. Le matériau testé est celui breveté par l’entreprise Colas, appelé Compostyrène. Il a la particularité d’être la fois léger et résistant, et est déjà utilisé depuis plus de 30 ans pour stabiliser les sols compressibles. Dans le cadre de ce projet, il sera utilisé pour une autre finalité et aura pour rôle d’alléger la structure de la chaussée afin d’éviter la remontée des fissures de sécheresse ainsi que toute forme de dégradation liée au retrait-gonflement des sols argileux (RGA).
Pour le mettre en place, des travaux de terrassement de la largeur de chaussée et d’un mètre de profondeur ont été nécessaires. Un géotextile anti-contaminant a d’abord été posé au fond de la fouille, puis un drainant constitué de gravillons d’une granulométrie de 10 à 20 mm, sur une épaisseur de 15 cm. Deux rangées de Compostyrène ont ensuite été posées et brochées au moyen de connecteurs métalliques pour éviter le glissement des blocs durant les travaux. Au-dessus de ceux-ci, une dalle de répartition en béton armé d’une épaisseur de 15 cm a été coulée avant la mise en place de l’enrobé pour reconstituer la chaussée.
Pour les besoins de cette expérimentation, deux épaisseurs de blocs Compostyrène sont testées. La première consiste à obtenir une épaisseur totale de 40 cm grâce à la pose de deux rangées de 20 cm, et la seconde, par la pose de deux rangées de 30 cm, permet d’obtenir une épaisseur totale de 60 cm. « Nous avons placé des capteurs d’humidité dans le sol pour mesurer la dessiccation à travers la succion, c’est-à-dire la différence de pression entre l’air et l’eau du sol non saturé, ajoute l’expert du Cerema. Les deux épaisseurs nous permettront de définir plus tard si une épaisseur de 40 cm suffit ou s’il faut qu’elle soit de 60 cm pour limiter les effets liés à la sécheresse. »
Une autre solution technique testée dans le Loiret
Les travaux se sont terminés en novembre dernier, et cette expérimentation doit se prolonger jusqu’en 2024. Le Cerema souhaite en effet tester ce matériau sur au moins trois périodes de sécheresse. Cette technique de remédiation, consistant à agir sur la structure de la chaussée, est la première des trois catégories de solutions testées dans le cadre de l’ORSS pour limiter les effets de la sécheresse. La deuxième consiste à agir sur l’environnement proche de la route, notamment les accotements et la végétation, afin de limiter le phénomène d’évapotranspiration. Et la dernière repose sur l’injection de produits stabilisants dans le sol, pour le rendre moins sensible aux variations de teneur en eau. Cette solution est actuellement testée dans le Loiret depuis l’été dernier.
À terme, le Cerema souhaite rédiger un guide de recommandation de nouvelles solutions pour la résilience ou l’adaptation des routes vis-à-vis de la sécheresse. « Il n’y a pas de solution unique, nous souhaitons en présenter plusieurs en fonction des caractéristiques de chaque chaussée et de leurs coûts pour aider les départements, dont le rôle est d’assurer l’entretien des routes », conclut Lamine Ighil Ameur.
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