Sur un site pollué par du goudron et des dérivés hydrocarbonés lourds, présentant une forte épaisseur de produits surnageants, Biogenie Europe a dû faire appel à des technologies innovantes, notamment des travaux d’écrémage poussés sur des produits à haute viscosité.
Le site d’une ancienne usine à gaz, a été désigné pour accueillir un projet immobilier comprenant 200 logements collectifs, une crèche, une maison de repos ainsi que des bureaux administratifs. Le planning de construction du site a nécessité un phasage adapté des opérations de dépollution pour pouvoir intégrer les contraintes liées aux travaux de réaménagement du site.
Il a en effet été constaté un fort impact des sols et de la nappe par du goudron et des dérivés hydrocarbonés lourds ainsi que la présence d’une forte épaisseur de produits surnageants (créosote, huiles lourdes, goudrons,…) au droit des deux anciens gazomètres.
La présence à proximité du site d’une voie ferrée, de riverains ainsi que d’espaces verts ont imposé le respect d’objectifs de réhabilitation sévères, ainsi que de contraintes opérationnelles spécifiques (monitoring des émissions en contaminants volatils, monitoring des nuisances olfactives, mesures vibratoires des sols lors des opérations de démolition…).
Pour répondre aux exigences sévères du projet, Biogenie Europe, spécialiste de la dépollution de sites, a mis en place une stratégie de traitement complexe reposant sur une palette de technologies :
- pompage sélectif des dérivés pétroliers lourds surnageant ;
- pompage/rabattement des eaux de la nappe pour canaliser les produits surnageants;
- chauffage conductif in situ des sols ;
- extraction et traitement des gaz du sol;
- traitement complémentaire par lessivage par tensioactif des sols contaminés ;
- traitement de finition par oxydation chimique in situ.
Traitement des eaux du site
Les estimations préalables aux travaux ont mis en évidence un volume de produit à récupérer d’environ 100 m3, principalement situé sous les fondations des anciens gazomètres. Pour accéder aux zones directement contaminées par les goudrons, une quarantaine d’ouvrages auront été forés à 6 mètres de profondeur et disposés tout autour des deux gazomètres. Dix autres ouvrages ont été implantés au centre des gazomètres.
Ecrémage
En raison de la forte épaisseur de produits flottants présents sur le toit de la nappe souterraine (> 1,8 mètres), le traitement de la nappe souterraine du site a débuté par la mise en place d’un dispositif d’écrémage simple. Pour cela, 30 pompes pneumatiques avec système suiveur ont été mises en opération durant une période de dix mois. Les pompes employées, de technologie extrêmement robuste, ont été conçues spécifiquement afin de pouvoir opérer sur des produits à haute viscosité (créosote, huiles lourdes, goudrons…).
Durant les trois premiers mois d’écrémage, l’efficacité de récupération a été maximale, avec des volumes journaliers de produit atteignant les 600 l/j. Au-delà de trois mois, la récupération de produit s’est trouvée amoindrie avec un taux de récupération tombant sous 80 l/j.
Pompage et rabattement de nappe
Compte tenu de la baisse des taux de récupération, il a été nécessaire d’améliorer le traitement afin de remobiliser les produits imprégnant les sols de façon plus tenace. Pour cela, un système de rabattement de la nappe par pompage a été ajouté au système d’écrémage initial. Ce procédé consiste à accumuler gravitairement les produits surnageants en une zone spécifique par un abaissement localisé du niveau de la nappe (via une pompe de rabattement) et à récupérer les produits accumulés au moyen de pompes écrémeuses.
Durant la phase de pompage et rabattement, un total de 352 m3 d’eau a été pompé et traité. Les analyses menées sur les eaux ont mis en évidence des concentrations en HCT (hydrocarbures totaux), HAP (hydrocarbures aromatiques polycyclique) et BTEX (benzène, toluène, éthyle-benzène et xylènes) comprises entre 20 et 25 mg/l.
Les eaux de pompage ont été traitées par passage au travers d’un séparateur hydrocarbure, suivi par un traitement de finition sur 2 filtres à charbon actif. Les eaux traitées respectant les seuils de rejet imposés, ont été réinjectées pour partie afin de lessiver quelques horizons d’accumulations préférentiels et augmenter les gradients vers les ouvrages d’écrémage ou envoyées vers le réseau d’eaux usées du site.
Lorsqu’il a été constaté une baisse des taux de récupération des produits flottants (après trois mois de traitement), il a été décidé de compléter le dispositif de traitement par ajout d’une unité de chauffage conductif in situ des sols.
Pompage, rabattement de nappe et chauffage des sols
Le procédé de chauffage conductif in situ (In Situ Conductive Heating ou ISCH) a été mis en œuvre dans le but d’augmenter la température des sols, de réduire la viscosité des produits, d’augmenter leur disponibilité et d’améliorer le taux de récupération du dispositif.
La chaleur a été apportée aux sols par immersion en zone saturée d’appareils résistifs spécifiques dans des ouvrages préférentiels. Le chauffage des sols mis en œuvre durant quatre semaines, a été réalisé en parallèle de l’écrémage et du rabattement de la nappe afin de garantir la récupération des produits mobilisés.
En complément du chauffage des sols qui a eu un impact significatif sur les taux de récupération par ouvrage, un dispositif d’extraction des vapeurs du sol a été installé pour prévenir toute nuisance olfactive générée par la montée en température des produits hydrocarburés. Cinq ouvrages ont été équipés pour aspirer les gaz du sol, et déplacés à la faveur des zones présentant le plus de risques de générer des nuisances.
Après un mois de fonctionnement de l’installation d’ISCH, le taux de récupération de flottants s’est de nouveau stabilisé malgré les optimisations constantes apportées par les techniciens de Biogenie. Il a alors été décidé de mettre en place un procédé complémentaire de lessivage par tensioactif des sols.
Lessivage des sols au tensioactif
L’objectif de cette technologie est d’abaisser la tension interfaciale huile/sol et donc de favoriser la mobilisation des produits fortement adsorbés aux sols. De manière concomitante, cette technologie a également pour effet d’abaisser la tension interfaciale eau/huile et donc d’augmenter par voie de conséquence la teneur en contaminants dissous dans les eaux.
Préalablement à la mise en œuvre de cette technique, des tests en laboratoire ont été menés afin de définir la solution de tensioactif la plus appropriée aux sols en place, à la contamination, et aux objectifs du projet. Le tensioactif retenu a été le QDS5, un composé anionique et biodégradable.
En premier lieu, le niveau de la nappe au droit des deux gazomètres a été abaissé afin de s’assurer que la solution de tensioactif affecterait le maximum de sols contaminés. Un total de 2 000 litres de solution concentrée de tensioactif a été injecté dans les sols sous-jacents aux gazomètres via les ouvrages de pompage du site.
Parallèlement aux injections de tensioactif, les procédés d’écrémage, rabattement de la nappe, chauffage conductif des sols et extraction des vapeurs du sol ont été maintenus en opération afin de conserver le taux de récupération de produits le plus élevé. Le rabattement par pompage a également joué un rôle important dans la récupération de la solution de tensioactif. Le lessivage des sols par tensioactif a permis de rehausser le taux de récupération de produits de goudron de 66 l/j à 1 085 l/j.
Des analyses en laboratoire sur des échantillons d’eau prélevées dans cinq puits ont été réalisées tout au long des opérations d’injection de tensioactif. Les analyses ont mis en évidence que les injections de surfactant ont permis d’augmenter les concentrations en HCT et BTEX dissous (les concentrations en HAP restant sensiblement identiques) d’un facteur 20 à 30 et donc de peaufiner le traitement mis en œuvre.
Après environ un mois de lessivage, les analyses d’eau ont pu mettre en évidence une diminution globale des concentrations en HCT, HAP et BTEX. Le taux de récupération de flottants s’est stabilisé autour d’une valeur nulle montrant qu’il devenait impossible de récupérer d’avantage de produit depuis le sous-sol avec cette technologie. Il fut alors décidé d’entamer l’ultime phase de traitement par oxydation chimique in situ.
Oxydation chimique
La dernière phase de traitement a consisté à mettre en œuvre un traitement par oxydation chimique in situ. Afin de traiter les derniers polluants dissous récalcitrants, 6,5 tonnes de solution de permanganate/persulfate ont été injectées dans les eaux de la nappe. Simultanément, le système de pompage et de recirculation des eaux de pompage a été mis en place afin de permettre une mise en contact optimale de l’oxydant dans les eaux de la nappe.
Douze jours après la fin de la phase d’injection, des analyses de validation ont été menées dans trois ouvrages représentatifs de la zone traitée. Les mesures de flottants réalisées sur les ouvrages du site à l’achèvement des travaux n’ont pas permis de mettre en évidence de phase flottante dans les ouvrages avoisinant les gazomètres. Sur l’ensemble de l’opération, un volume total de 115 m3 de produits surnageants a été mobilisé et récupéré.
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