Le 17 novembre prochain, le microsatellite Taranis sera mis en orbite. Pendant deux à quatre ans, il collectera des données inédites sur les phénomènes lumineux et électromagnétiques qui ont lieu au moment des orages. Pour les scientifiques en charge de cette mission, l'objectif sera de définir l'impact de ces épisodes météorologiques sur la physique de la haute atmosphère.
[Mise à jour 17/11 : Le lanceur européen Vega qui devait mettre en orbite deux satellites dont Taranis pour le compte de l’Europe dans la nuit de lundi à mardi depuis Kourou a essuyé « une anomalie » dans sa « trajectoire » 8 minutes après le décollage, conduisant à l’échec de la mission, a annoncé Arianespace. ]
Mardi 17 novembre, le microsatellite Taranis sera envoyé en orbite depuis la base de lancement de Kourou (Guyane). Il est financé et opéré par le Centre national d’études spatiales (Cnes). Durant deux à quatre ans, il observera les phénomènes lumineux qui surviennent au-dessus des orages. « Les orages étaient considérés comme étant des phénomènes troposphériques. Or, nous nous sommes rendu compte qu’il se passait beaucoup de choses au-delà de la troposphère », explique Jean-Louis Pinçon, chercheur au Laboratoire de Physique et de Chimie de l’Environnement et de l’Espace (LPC2E) d’Orléans et responsable scientifique de la mission Taranis.
En règle générale, les épisodes météorologiques se produisent dans cette première couche de l’atmosphère, comprise entre 0 et 15 kilomètres d’altitude, et dans laquelle vit l’Homme. Mais au début des années 1990, la communauté scientifique a commencé à comprendre que les activités lumineuses liées aux orages ne s’y limitaient pas. « Ces phénomènes extrêmement fréquents – il y en a plusieurs dizaines voire centaines de milliers chaque année – ont lieu jusqu’à 100 kilomètres d’altitude, au plus près du proche environnement spatial de la Terre », explique Jean-Louis Pinçon. « L’objectif de Taranis est de récupérer le maximum d’informations à haute résolution sur ces phénomènes, pour comprendre leur fonctionnement, et la façon dont ils sont générés, puis étudier leur impact sur la physique et la chimie de la haute atmosphère », ajoute-t-il.
TLE et TGF au centre des observations
Les observations effectuées par Taranis permettront de définir jusqu’à quel point ces phénomènes ont un impact sur la physique de la haute atmosphère. « Peut-être qu’ils n’en ont aucun, peut-être que l’impact est négligeable. Dans tous les cas, il est nécessaire de le vérifier compte tenu de la fréquence de ces phénomènes », affirme Jean-Louis Pinçon. Ces derniers sont répartis en deux grandes catégories. Les premiers sont appelés « Transient Luminous Events », ou TLE. Les autres sont nommés « Terrestrial Gamma-ray Flash », ou TGF.
Parmi les TLE, ces phénomènes lumineux transitoires, se trouvent les « elfes », de larges anneaux qui ne durent qu’une milliseconde et se produisent dans la thermosphère, à 100 kilomètres d’altitude. À peine moins fugaces, les « sprites » (rouges) ont lieu entre 40 et 80 kilomètres au-dessus du sol terrestre et ressemblent à des feux d’artifice. Les jets (bleus ou géants), s’apparentent à des éclairs inversés. Tous ces phénomènes ne durent qu’une fraction de seconde à l’exception des jets géants qui eux peuvent durer jusqu’à une seconde. Bien que ces phénomènes soient identifiés depuis les années 1990, leurs mécanismes de génération, tous différents les uns des autres, ne sont toujours pas très bien connus. « Aujourd’hui, les elfes sont bien compris. Mais pour tous les autres, nous avons besoin d’informations supplémentaires », détaille le responsable scientifique de la mission.
De leur côté, les flashs de rayons gamma, les TGF, intriguent fortement la communauté scientifique. « Sous certaines conditions, les orages peuvent se comporter comme des accélérateurs de particules, et produire des rayons gamma », énonce Jean-Louis Pinçon. En laboratoire, l’accélération de particules à très haute énergie n’est possible que dans le vide. Mais dans le cas des TGF, cette puissante accélération a lieu dans un milieu dense. « Le fait que les orages puissent accélérer les électrons à très haute énergie malgré les très nombreuses collisions a beaucoup intrigué la communauté scientifique », affirme-t-il. Des théoriciens se sont intéressés à cette énigme et plusieurs théories concurrentes ont été proposées. Taranis apportera des éléments qui permettront d’en apprendre davantage sur ces phénomènes.
Un microsatellite à la pointe de la technologie
Selon Kader Amsif, responsable du programme Soleil, héliosphère et magnétosphère du CNES, Taranis est un « bijou technologique ». « À ma connaissance, c’est une première mondiale d’avoir autant d’instruments différents sur une aussi petite surface », se félicite Jean-Louis Pinçon. Il affirme même que ce microsatellite de 175 kilos n’a pas d’équivalent. Le microsatellite est composé de deux plateformes : Myriade, développée par le CNES, et une autre contenant les différents instruments de mesure. En tout, ils sont huit, et seront pilotés par un système intelligent embarqué. Pour les membres de la mission, réussir à les agencer sur une surface d’1 m² a été un véritable défi. Les ingénieurs ont dû faire en sorte que tous puissent fonctionner sans se perturber les uns les autres, et cela n’a pas été une mince affaire.
Les instruments de Taranis ont été développés spécialement pour la mission. C’est notamment le cas des détecteurs gamma, « extrêmement rapides » selon Jean-Louis Pinçon, et des instruments optiques. Des capteurs électriques, des capteurs magnétiques, et des détecteurs de particules énergétiques permettront d’observer avec précision tous les phénomènes liés aux orages. Le générateur solaire a aussi été développé spécialement pour la mission, car il ne fallait pas qu’il génère des courants parasites capables de perturber les mesures ultra-sensibles des capteurs électriques et magnétiques. « À chaque fois qu’un événement sera détecté à bord, les données haute résolution de tous les instruments seront conservées. Ainsi, nous pourrons avoir toutes les signatures physiques associées à ces phénomènes », conclut Jean-Louis Pinçon.
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