Actuellement, pour mettre en mouvement, de manière contrôlée, des polymères conducteurs, on passe toujours par une connexion physique : un câble relie le polymère à une source d’électricité. Des chercheurs de l’Institut des sciences moléculaires (CNRS/Université Bordeaux/Bordeaux INP) ont réussi à déclencher des mouvements à distance en utilisant l’électrochimie bipolaire. Leurs travaux, publiés dans la revue Angew. Chem représentent un premier pas vers la possibilité d’actionner à distance des structures telles que des muscles artificiels.
Le concept d’électrochimie bipolaire
Le concept de l’électrochimie bipolaire repose sur le fait que lorsqu’un objet conducteur dans une solution est soumis à un champ électrique externe, il se polarise – un mouvement des électrons d’une extrémité à l’autre de l’objet conduit à la formation d’une anode d’un côté et d’une cathode de l’autre. L’objet se transforme en électrode bipolaire et une différence de potentiel va être générée entre ses deux extrémités. Si elle est suffisante, des réactions d’oxydoréductions peuvent se produire aux extrémités (oxydations à l’anode, réductions à la cathode).
Appliqué à un polymère conducteur, ces réactions d’oxydoréduction aux deux extrémités du polymère conduisent à la déformation asymétrique de sa structure et donc à un mouvement. La déformation est réversible, le polymère reprenant sa forme par une réaction inverse quand le champ électrique s’arrête et l’amplitude de la déformation peut être contrôlée par la différence de potentiel entre les deux électrodes.
Vers de nouveaux muscles artificiels
La recherche sur les muscles artificiels s’intéressent de près aux polymères conducteurs car ils présentent des caractéristiques de pression et de force supérieures aux muscles naturels. Parmi ces polymères, les polypyrolle semblent bien adaptés à ces applications. Aussi, pour essayer de dépasser les contraintes liées à une connexion physique obligatoire pour actionner ce type de polymères, l’équipe de l’institut de sciences moléculaires a synthétisé des films de polypyrolle dopés avec des dodécylbenzènesulfonate (DBS) dans une structure bi-couche intrinsèquement asymétrique. En les immergeant dans une solution aqueuse et les exposant à un gradient de potentiel, elle a pu constaté l’oxydoréduction asymétrique du polymère qui se traduit par une contraction et un gonflement le long de l’axe principal (voir schéma). Ces travaux devraient permettre d’orienter la recherche d’actionnement à distance des polymères conducteurs dans de nouvelles directions.
Sophie Hoguin
Cet article se trouve dans le dossier :
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