La déforestation repart à la hausse ces dernières années, notamment en Amazonie brésilienne. Pour ne plus participer à ce désastre, l’Union européenne planche depuis plus d’un an sur un projet de règlement visant à interdire l’importation de produits issus de la déforestation sur son sol. Après des négociations ardues et des compromis, un trilogue entre le Parlement, la Commission et le Conseil s’est tenu les 5 et 6 décembre 2022. Il a abouti sur un accord, faisant de l’Europe la première économie du monde à se doter d’une réglementation contre la déforestation importée.
Le Parlement et le Conseil devront approuver formellement l’accord dans les prochaines semaines. Il entrera ensuite en vigueur 20 jours plus tard. Dès lors, les entreprises auront 18 mois pour déployer un système de traçabilité garantissant, pour les produits encadrés, qu’ils ne proviennent pas de territoires ayant été déboisés après fin 2020. Et ce, où que ce soit dans le monde.
Le WWF salue un « accord historique ». Les ONG Greenpeace et Canopée – Forêts Vivantes tempèrent toutefois cet enthousiasme. Greenpeace mentionne « une réglementation ambitieuse, mais imparfaite ». Canopée – Forêts Vivantes dénonce pour sa part le champ restreint d’application du texte. En particulier, l’association regrette qu’il ne prenne en compte que les forêts et exclut à ce stade les autres terres boisées.
De nombreux produits concernés
Au fur et à mesure des négociations, le nombre de produits agricoles et dérivés entrant dans le champ d’application du règlement a été étendu. Ce dernier imposera finalement des obligations aux entreprises qui importent ou exportent du bétail, du bois, du soja, de l’huile de palme, du cacao, du café et du caoutchouc. Il concernera aussi certains produits dérivés comme la viande de bœuf, le cuir, le chocolat, le charbon de bois, le papier imprimé, la laine, les pneus et les meubles.
Tous « les opérateurs et commerçants qui ne sont pas des PME » devront se doter d’un système de vigilance pour exclure les produits issus de la déforestation de leur chaîne d’approvisionnement, prévoit le règlement. Ils devront ainsi publier une déclaration de « diligence raisonnable ». Celle-ci s’appuiera sur un processus en trois étapes pour analyser et corriger les risques d’illégalité qui peuvent intervenir tout au long d’une chaîne d’approvisionnement de produits visés.
Des images satellites qui font foi et des contrôles
En particulier, les opérateurs devront enregistrer les coordonnées GPS des parcelles de terre d’où proviennent les produits concernés. Dès lors, ils devront prouver qu’aucune forêt n’y a été récemment déboisée, sous peine d’amende. « Récemment » signifie depuis le 31 décembre 2020, selon le règlement. La comparaison des images satellites à l’instant T avec celles datant de cette référence permettront d’organiser des contrôles.
Le règlement prévoit trois classes de pays : les pays à risque élevé, standard ou faible. Cette liste des pays est en cours de définition. L’accord prévoit notamment l’organisation de contrôles sur 9 % des transactions à destination de l’Europe pour les pays les plus à risque, de 3 % pour le risque standard. Pour les pays considérés comme les plus fiables, les contrôles ne concerneront que 1 % des transactions. Les contrevenants s’exposent à une amende pouvant atteindre jusqu’à 4 % de leur chiffre d’affaires en Europe.
Des manques sur les terres boisées et les peuples autochtones
Au-delà des seules forêts, le Parlement proposait d’intégrer d’« autres terres boisées » dans le champ d’application du règlement. Finalement, les négociateurs ont décidé de ne pas les inclure à ce stade. Ils prévoient néanmoins la réalisation d’une étude d’impact par la Commission sur la possibilité d’inclure d’autres écosystèmes – comme les savanes, les tourbières et les zones humides –, ainsi qu’une clause de révision dans un délai d’un an à partir de son entrée en vigueur.
Deux ans au plus tard après son entrée en vigueur, il sera aussi temps d’étudier la potentielle inclusion d’autres produits comme le maïs et les agrocarburants. La Commission évaluera en plus la possibilité d’étendre la diligence raisonnable aux institutions financières et à leurs services financiers.
Enfin, les ONG regrettent que le texte présente des manques concernant la protection des peuples autochtones. En effet, il limite le respect des droits humains aux lois nationales. Ainsi, si un pays discrimine certaines populations, leurs droits ne seront pas davantage pris en compte dans le cadre de cette nouvelle réglementation. Pour l’instant, aucune révision n’est prévue sur ce point.
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