Le glacier Thwaites est l'un des plus gros blocs de glace en Antarctique. Il est particulièrement sensible aux changements climatiques et son effondrement contribuerait significativement à l'élévation du niveau de la mer. Des scientifiques révèlent que sa fonte est moins importante que prévu sous la banquise, mais beaucoup plus élevée dans des fissures et des crevasses.
Le glacier Thwaites est l’un des glaciers qui évolue le plus rapidement en Antarctique. Il couvre 192 000 kilomètres carrés, soit un territoire grand comme la Grande-Bretagne, et est particulièrement sensible aux changements climatiques et océaniques. Sa ligne d’échouage, qui représente le point de rencontre avec le fond marin, a reculé de 14 km depuis la fin des années 1990. La glace qui s’écoule dans la mer d’Amundsen contribue à environ 4 % de l’élévation mondiale du niveau de la mer. Son effondrement brutal pourrait faire grimper ce niveau de plus d’un demi-mètre au cours des siècles à venir. Des scientifiques britanniques et américains ont publié deux articles1 dans la revue Nature, dans laquelle ils fournissent une image plus claire des changements qui se produisent sous ce glacier.
Pour mener à bien leurs travaux, ils ont réalisé un forage de 600 mètres de profondeur à environ 1,6 kilomètre de la ligne d’échouage, à l’aide d’une foreuse à eau chaude. Un robot sous-marin télécommandé, appelé Icefin, a ensuite été déployé dans ce trou de forage. L’engin se présente sous la forme d’un crayon, mesurant 25 cm de diamètre et plus de 3 mètres de long, et est équipé de caméras, d’instruments de cartographie et de capteurs mesurant la vitesse des courants océaniques, la température, la salinité et les niveaux d’oxygène. Toutes ces informations étant nécessaires pour estimer les vitesses de fonte de ce glacier, exposé à des eaux océaniques relativement chaudes.
Les premières vues rapprochées du point critique près de la ligne d’échouage ont été comparées aux observations de vitesse de fonte prises sur cinq autres sites sous la banquise. Les chercheurs ont observé que Thwaites s’était retiré en douceur et régulièrement sur le fond de l’océan depuis au moins 2011. Ils ont constaté que les sections plates couvrant une grande partie de la base de la plate-forme de glace s’amincissaient, mais pas aussi rapidement que les modèles numériques l’avaient jusqu’ici suggérés. En revanche, la fonte dans les fissures et les crevasses est beaucoup plus rapide que prévu, avec la formation d’un relief en forme d’escalier qui apparaît dans la glace.
La fonte latérale peut dépasser une vitesse de 40 mètres par an
Ce taux de fonte variable serait lié à des différences de stratification de la glace et à des mélanges des eaux. En clair, le long des sections plates de glace, une fine couche d’eau douce fondue agit comme une barrière contre les courants océaniques plus chauds, et limite la fonte ; celle-ci étant estimée en moyenne entre 2 et 5 mètres par an. En revanche, l’eau qui s’écoule à travers les crevasses en pente et les terrasses a pour effet d’entraîner une fonte latérale plus rapide, à une vitesse pouvant dépasser 40 mètres par an. C’est ainsi que des failles majeures progressent à travers la plate-forme de glace et pourraient devenir le principal déclencheur de l’effondrement de ce glacier.
« Ces nouvelles façons d’observer le glacier nous permettent de comprendre que ce n’est pas seulement la quantité de fonte qui se produit qui compte, mais comment et où cela se produit dans ces régions très chaudes de l’Antarctique, déclare Britney Schmidt, professeur à Cornell University. Nous voyons des crevasses, et probablement des terrasses, à travers des glaciers qui se réchauffent comme Thwaites. L’eau chaude pénètre dans les fissures, contribuant à l’usure du glacier à ses points les plus faibles. Peter Washam, ingénieur de recherche dans cette même université, ajoute : « Icefin collecte des données aussi près que possible de la glace dans des endroits qu’aucun autre outil ne peut actuellement atteindre. Cela nous montre que ce système est très complexe et nécessite de repenser la façon dont l’océan fait fondre la glace, en particulier dans un endroit comme Thwaites. »
1 Le premier article est intitulé Suppressed basal melting in the eastern Thwaites Glacier grounding zone et le second : Heterogeneous melting near the Thwaites Glacier grounding line
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