Autrement appelée « séquestration du CO2 », ou « ensemencement des océans », la solution qui consiste à enfouir les déchets au fond des océans, est régulièrement raillée, surtout en Europe, mais fréquemment réitérée par des scientifiques, surtout américains. Exemple, cette proposition publiée sur le site de l'université de Washington.
Une nouvelle variante de la solution d’enfouissement océanique des déchets, co-rédigée par un chercheur de l’Université de Californie Gregory Benford, est proposée et mise en discussion par un professeur et chercheur de l’Université de Washington, Stuart Volet. Certes, la solution de l’enfouissement des déchets sous l’eau peut paraître à première vue comme n’étant pas une solution High Tech. Ce serait même une solution Low Tech voire même Old Tech pour résoudre un des problèmes les plus importants que le 21e siècle va devoir affronter. Pourtant c’est bien cette solution que les chercheurs s’obstinent à proposer. De quoi s’agit-il ? Cette nouvelle variante propose de réunir en bottes (comme du foin coupé) plusieurs tonnes de déchets à la fois, puis de lester ces bottes avec de grosses pierres ou des blocs de béton et de les couler à des profondeurs d’au moins 1.500 m. Ce mode d’enfouissement en eaux très profondes garantirait la capture du CO2 pendant des milliers d’années. Comment ? La théorie est principalement basée sur la différence de températures existant entre les eaux en profondeur (4°) et les eaux qui deviennent de plus en plus chaudes à mesure que l’on approche des courants de surface (théorie qui est à la base de l’exploitation de L’Energie Thermique des Mers). Pour nos chercheurs, cette constatation leur permet juste de déduire que les déchets entreposés dans des eaux froides et profondes seraient comme figés, emprisonnés sur place par le froid pendant « des milliers d’années » et donc ne bougeraient plus. Dans leur article, les auteurs déploient une autre théorie selon laquelle si les déchets étaient directement rejetés à proximité de « cônes alluviaux » – c’est-à-dire pour résumer, de ces lieux géo-morphologiques à proximité des côtes où les rivières finissent de se rejoindre sous l’océan – ces déchets se trouveraient naturellement enfouis par les limons de ces cours d’eau dans les eaux froides des profondeurs qui en préviendraient toute dégradation future. Selon les auteurs de l’article, l’objectif de réduction des émissions de CO2 que le monde s’est fixé ne pourra être tenu que si l’on enfouit 30% de la collecte mondiale des déchets dans des eaux océanes. Cela pourrait alors permettre de supprimer environ 600 mégatonnes de carbone, ce qui correspond à une réduction de près de 15% de CO2 dans l’atmosphère. Par rapport aux taux d’efficacité des autres façons de capturer le carbone que les auteurs disent avoir étudiées de près, la leur atteindrait un taux de 92%. A titre d’exemple, transformer les déchets en éthanol n’est efficace qu’à seulement 32%. Sans attendre les réactions des experts environnementaux que ne manqueront pas de lever de telles propositions, les auteurs suggèrent déjà la mise en place d’une structure de conditionnement des déchets en bottes de façon à les rendre facilement transportables par barges vers leurs lieux d’enfouissement en eaux profondes, où lesdites bottes seraient donc coulées après avoir été lestées de gros blocs de pierres ou de béton. Voilà qui ressemble tout de même beaucoup à un carnage écologique sous-marin. Mais qu’importe, on va même jusqu’à présenter cette technologie d’enfouissement en mer comme la plus proche des modes naturels d’élimination des déchets. Cette technologie qui a, je le rappelle, la faveur de beaucoup de scientifiques américains, a cependant un gros défaut : son coût. Une récente estimation de l’Earth Policy Institute a conclu que cette façon de séquestrer le carbone coûterait 210 dollars par tonne. Ce chiffre, rappelé aux auteurs de l’étude, remet vite les idées en place. Et encore se gardent-ils d’aborder la question de « l’empreinte carbone », sans doute élevée, laissée par de telles opérations de transport par barge de tonnes de déchets… et de leurs blocs de béton. Pour l’instant donc les auteurs suggèrent de continuer la R&D en la matière, si je peux dire, et appellent à « plus d’études sur l’incidence que cette technologie pourrait avoir sur les créatures qui vivent dans les zones en eaux profondes ». Ils ont remarqué que dans les eaux profondes, il y avait un écosystème ! Et sans doute savent-ils aussi que c’est celui que l’on connaît le moins bien. Le monde n’est peut-être pas encore sauvé, mais en tout cas on a l’air de tenir le bon bout… D’ailleurs on pourrait peut-être commencer directement par s’attaquer aux deux énormes plaques de déchets (de la taille d’un « mini continent ») qui dérivent toujours quelque part dans le Pacifique Sud. Il est vrai que celles-là, personne n’avait pensé à les mettre en bottes et à les lester… Par Francis Rousseau, auteur du blog Les énergies de la mer
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