Créée en 2014, l’association PIICTO[1] regroupe des entités industrielles implantées sur la Zone industrialo-portuaire de Marseille-Fos et du pourtour de l’Etang de Berre, le GPMM (grand port maritime de Marseille), des collectivités et des partenaires (CDC, consulaires, etc.) afin de structurer collectivement les activités industrielles dans un objectif d’amélioration de la compétitivité, d’attractivité, d’innovation, de décarbonation et de meilleure gestion des ressources.
Ce périmètre, qui émet chaque année environ 18 Mt de CO2, est l’un des premiers lauréats de l’appel à projet ZIBaC (zone industrielle bas carbone) de France 2030. A ce titre, l’État va donc débloquer 4 millions d’euros, via l’ADEME, pour soutenir le programme Syrius (synergies régénératives industrielles Sud), porté et coordonné par l’association PIICTO.
Nicolas Mat, secrétaire général de PIICTO, a présenté aux Techniques de l’ingénieur les enjeux environnementaux et industriels du projet de décarbonation de cette zone portuaire.
Techniques de l’Ingénieur : Quelle est la démarche entreprise à travers l’activité de l’association PIICTO ?
Nous animons une démarche d’écologie industrielle et territoriale depuis le début de l’année 2015, initialement sur une partie de la zone portuaire (Caban Tonkin), qui dans sa totalité s’étend sur plus de 10 000 hectares. La zone Caban Tonkin, elle, couvre 1 200 hectares et concentre des activités industrielles autour de la chimie, du traitement des déchets, des granulats, de la sidérurgie, de la production énergétique, entre autres.
Notre ambition, à l’origine, est de mettre en place des synergies entre les industriels, à savoir optimiser les échanges de flux de matière et d’énergie entre les acteurs, mutualiser les services et les équipements, mais aussi augmenter l’attractivité de cette plateforme, puisqu’il y a encore du foncier disponible.
Ainsi, nous voulons attirer des porteurs de projets industriels, mais aussi innovants, puisque nous cherchons, depuis la mise en place de notre action, à positionner la plateforme comme un espace d’innovation et d’expérimentation, de transition énergétique et d’économie circulaire. Pour ce faire, nous accueillons des pilotes et des démonstrateurs sur de nombreux projets innovants : culture d’algue, captage de CO2, revalorisation d’hydrogène…
Aujourd’hui, nous poursuivons ces missions, en les étendant en termes de périmètre géographique, suite à notre positionnement, en 2022, sur l’appel à projet ZIBAC, opéré par l’ADEME. Nous sommes depuis le premier semestre 2023 lauréat de cet appel à projet, qui est donc en cours de réalisation, et donc le spectre est orienté spécifiquement sur l’aspect “décarbonation”.
En quoi le fait d’être lauréat de l’appel à projet ZIBAC va-t-il booster le programme Syrius porté par PIICTO ?
Concrètement, l’ADEME va nous accompagner sur une période de sept à dix ans sur le territoire allant de Fos-sur-Mer à Gardanne, c’est-à-dire l’ensemble de la zone portuaire et le pourtour de l’Etang de Berre, en incluant tous les grands acteurs industriels et logistiques qui y évoluent. Il y a donc une volonté d’accompagner la zone dans son processus de décarbonation, sur une période relativement longue. Le fait d’être lauréat de cet appel à projet a permis d’intégrer dans cette dynamique collective un grand nombre d’industriels intervenant dans des domaines d’activités très différents (chimie, pétrochimie, raffinage, sidérurgie, cimenterie, fours à chaux, logistique, traitement de déchets, production énergétique…).
Quelles sont les différentes étapes qui vont jalonner le projet global de décarbonation de la zone portuaire de Fos-sur-Mer ?
La première étape de cet accompagnement par l’ADEME est une phase dite de maturation. Elle va durer 24 mois et nous permettre d’établir des trajectoires de décarbonation intersectorielles, à l’échelle du territoire que nous venons d’évoquer. Ces trajectoires et ces actions ne se substituent en rien aux actions de décarbonation déjà entreprises par les industriels, qui mènent des actions sur ce sujet depuis longtemps. Par contre, ce qui est aujourd’hui enclenché permet aux industriels, au-delà de leurs stratégies propres de décarbonation, de se projeter sur des stratégies territoriales et inter-sectorielles, qui supposent de la coopération entre les industriels. Cela est vrai par exemple sur des projets comme les réseaux de vapeur, l’hydrogène, l’électrification de certains procédés, le CCU (captage et revalorisation de CO2) et le CCS (captage et séquestration de CO2).
Plus globalement, nous espérons que ce programme SYRIUS permettra à tous les industriels de la zone portuaire d’atteindre leurs objectifs de décarbonation, voire même d’aller au-delà. Et pourquoi pas d’atteindre ces objectifs plus rapidement.
Quels sont les objectifs affichés sur le long terme ?
L’objectif final est connu, il s’agit d’être neutre en carbone d’ici à 2050. Mais une fois que l’on a dit cela, il faut établir une feuille de route claire avec des objectifs à court, moyen et long terme avec des jalons clés. Que fait-on d’ici à 2030 ? D’ici à 2040 ? Nous savons que tous les acteurs ne pourront pas disposer des mêmes leviers au même moment. C’est dans ce sens que l’aspect synergique de notre démarche prend tout son sens. La mise en réseau de tous les acteurs doit nous aider à atteindre ces objectifs et de s’autoriser à être ambitieux sur ce sujet de la décarbonation sur un bassin industrialo-portuaire comme le nôtre.
Les fonds de l’Etat permettront de réaliser une trentaine d’études d’ingénierie et de faisabilité entre 2023 et 2024. Sur quoi porteront ces travaux ?
Nous avons répertorié ces études en cinq principaux blocs thématiques.
- Le bloc 0 va nous permettre d’établir les trajectoires de décarbonation que nous voulons suivre dans le temps pour atteindre les objectifs. Il va donc naturellement se nourrir et se consolider sur la base des remontées d’information des différentes études des blocs ci-dessous.
- Le bloc 1 permettra de traiter les problématiques relatives à tout ce qui concerne les vecteurs énergétiques, réactifs et infrastructures associées : électrification, hydrogène, nouvelles productions énergétiques locales, etc.
- Le bloc 2 concerne le captage, le stockage, la valorisation et/ou la séquestration du CO2 (CCUS).
- Le bloc 3 traite d’optimisation logistique et décarbonée, ce qui à la base n’était pas une des priorités de l’ADEME, mais qui nous a paru indispensable à adresser, au vu de la quantité et de la diversité de flux de matières et d’énergie entrantes et sortantes sur ce tissu industrialo-portuaire, par différents moyens de transport, que ce soit la route, le train, le maritime, le fluvial ou les pipelines.
- Enfin, le bloc 4 concerne le développement local : empreinte socio écologique, rencontres entre les différents acteurs industriels de la zone, pour qu’ils apprennent à se connaître, mais aussi vulgarisation des principaux résultats des études. Ce dernier point est plus important qu’il n’y paraît, car pour l’acceptabilité de ces projets, il semble essentiel que le grand public comprenne les grandes transformations qui sont à l’œuvre et qui vont prendre place sur la zone dans les années à venir.
La zone industrialo-portuaire de Dunkerque est, comme celle de Fos-sur-Mer, lauréate de l’appel à Projet ZIBAC. Existe-t-il une forme de synergie entre les actions de décarbonation menées dans ces deux zones ?
Nous avons des échanges avec les responsables des projets de décarbonation du côté du Havre, de Saint-Nazaire… de plus, l’ADEME a spécifié dans le cahier des charges de l’appel à projets qu’elle avait vocation à mettre en place un réseau national des territoires lauréats, de manière à favoriser les échanges entre les acteurs ayant, par exemple, des problématiques communes.
Propos recueillis par Pierre Thouverez
[1] PIICTO
Cet article se trouve dans le dossier :
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