Novacarb est une société appartenant au groupe Humens, qui fabrique et formule des produits d’origine minérale pour les industriels et les particuliers. Située à Laneuveville-devant-Nancy en Lorraine, l’usine chimique Novacarb produit et commercialise du bicarbonate de sodium et du carbonate de sodium. L’entreprise met en œuvre des actions d’ampleur pour sortir à court terme de l’usage du charbon.
Novacarb a mis en place une activité industrielle de fabrication de carbonate de soude et de bicarbonate de soude depuis plus de 150 ans. Son implantation en Lorraine est liée aux matières premières nécessaires à la fabrication du carbonate et bicarbonate de soude, à savoir le sel, extrait du sous-sol lorrain, et le calcaire, extrait d’une mine également située en Lorraine et dont Novacarb est propriétaire. La fabrication du carbonate de soude et du bicarbonate de soude nécessite beaucoup d’énergie, qui était jusqu’alors produite en majorité grâce au charbon, ce qui rendait l’activité industrielle très émettrice de CO2.
Simon Maget, responsable énergie chez Novacarb, a détaillé pour les Techniques de l’Ingénieur les actions mises en place par la société Novacarb pour ne plus utiliser de charbon, et pour améliorer l’efficacité énergétique des procédés utilisés dans l’usine de Laneuveville-devant-Nancy
Techniques de l’Ingénieur : Présentez-nous les procédés énergétiques utilisés au sein de l’usine chimique opérée par Novacarb pour produire en masse du carbonate de soude et du bicarbonate de soude.
Simon Maget : Le procédé chimique nécessaire pour fabriquer le bicarbonate de soude est énergivore. Historiquement, cette énergie était produite grâce au charbon extrait du sous-sol lorrain. Hors, le charbon n’est plus extrait en Lorraine depuis plus de cinquante ans, donc nous nous fournissons depuis lors en Afrique du Sud et d’Amérique du Sud.
La transition énergétique de Novacarb, entreprise depuis une dizaine d’années sur notre site, consiste à mettre en œuvre des projets permettant de sortir de l’usage du charbon, étant entendu que ce dernier ne constitue pas une énergie d’avenir.
Quelles actions avez-vous mis en place pour concrétiser cette sortie du charbon ?
Pour faire évoluer notre mix énergétique et ne plus utiliser de charbon, nous avons démarré depuis le mois de mai 2023 une centrale de cogénération de biomasse en partenariat avec Engie, ce qui nous a permis de mettre à l’arrêt des chaudières à charbon présentes sur le site. Cela équivaut à une diminution de 35 % de la consommation de charbon de notre usine. Ce projet, initié il y a six ans, était lié à l’époque à un appel d’offres de la commission de régulation de l’énergie (CRE) sur la mise en place de la cogénération de biomasse, auquel nous avons candidaté.
Ensuite, dans l’optique d’une sortie complète du charbon, la construction d’une seconde usine adossée à notre site de Nancy vient de démarrer (en septembre 2023). Cette centrale de valorisation de CSR (combustible solide de récupération) qui sera la propriété de Suez va permettre à Novacarb de sortir complètement du charbon. Les CSR sont des refus de centre de tri, des agglomérats issus d’encombrants comme les canapés ou les fauteuils par exemple. Aujourd’hui, au niveau territorial, les schémas directeurs limitent l’enfouissement de ces CSR, pour pousser, notamment, leur valorisation énergétique. Il y a donc aujourd’hui en France une filière de valorisation énergétique des CSR qui se met en place, avec des projets qui se mettent en place, dont le nôtre.
Ces deux projets d’ampleur, soutenus par l’Etat, vont permettre à l’usine de passer d’un mix énergétique qui était constitué de 80 % de charbon et 20 % de gaz avant 2023, à une production énergétique, au premier janvier 2026 (fin de la construction de la centrale CSR), issue pour un tiers de biomasse, un tiers de CSR et un tiers de gaz.
Novacarb met également en place des actions pour améliorer l’efficacité énergétique des procédés utilisés dans son usine. Pouvez-vous nous les présenter ?
Nous mettons en œuvre d’autres projets pour améliorer l’efficacité énergétique de notre usine. Cela concerne notamment l’électrification de certains procédés. Ainsi, nous utilisons beaucoup d’énergie pour compresser les gaz utilisés dans nos procédés. Nous utilisions historiquement d’anciens compresseurs qui fonctionnent à la vapeur (fournie grâce au charbon), que nous avons remplacés par des motocompresseurs, qui utilisent l’électricité comme vecteur énergétique. Ce changement est lié à la bascule du mix énergétique en cours, et leur rendement plus élevé nous permet d’améliorer l’efficacité énergétique globale du procédé.
Ce projet a été subventionné dans le cadre de France Relance. La machine a été mise en service l’année dernière et a atteint sa pleine capacité en juin 2023, pour un investissement de l’ordre de cinq millions d’euros.
Quelles sont les autres actions mises en œuvre ?
Toujours sur l’aspect efficacité énergétique, nous mettons en œuvre une dizaine d’autres projets. Ces projets vont par exemple se matérialiser par le changement de technologie sur des plateaux de distillation, le recyclage de condensats chauds ou encore la rénovation d’isolants sur des fours rotatifs, entre autres. Ces projets représentent des investissements moins importants que ceux liés à la sortie du charbon, mais permettent, ensemble, d’améliorer considérablement l’efficacité énergétique globale de l’activité industrielle sur notre site.
Les appels à projets mis en place au niveau national sur les sujets de décarbonation et d’efficacité énergétique ont-ils motivé la mise en place des actions que vous venez d’évoquer ?
A partir du moment où il y a des subventions, cela accélère les projets. Mais ces subventions n’entraînent pas une diminution de nos investissements : cela nous permet de mener de plus nombreuses actions, car notre investissement reste le même. Les subventions constituent donc plus un accélérateur, d’autant que les appels à projets se déroulent sur un temps assez court, donc il faut être en mesure de prendre des décisions pour se positionner rapidement.
Comment se calcule le retour sur investissement pour Novacarb suite à la mise en œuvre de ces projets d’ampleur ?
Sur ce genre de projet, il ne faut pas raisonner en termes de retour sur investissement mais plutôt de projet de territoire. Sur les deux projets de grande ampleur liés à la sortie du charbon, nous avons des partenaires avec qui nous avons mis en place des contrats de long terme.
Sur la fourniture de vapeur par exemple, Novacarb devient client unique de toute la chaleur qui va être fabriquée sur le site.
Cela permet entre autres de structurer le territoire en termes de collecte de déchets. Sur les projets biomasse et CSR, les matériaux sont collectés au niveau local. Par exemple, nous avons mis en place un partenariat avec la SNCF pour collecter une partie des traverses de chemin de fer usagées. Il y a donc, dans la mise en œuvre de ces projets, la volonté de développer des partenariats locaux, sur le long terme.
Propos recueillis par Pierre Thouverez
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE