Une nouvelle étude parue dans la revue Bioinformatics dévoile une intelligence artificielle (IA) qui prédit les risques d'interactions médicamenteuses grâce au deep learning.
La prise simultanée de plusieurs médicaments pour soigner des maladies complexes est une pratique répandue. Toutefois, le plus souvent, lorsqu’un médecin ajoute un médicament à la prescription de ses patients, il n’a aucune idée des potentielles interactions médicamenteuses. En effet, le nombre de combinaisons possibles est tel qu’elles ne peuvent pas faire l’objet d’études cliniques préalables. « Il est pratiquement impossible de tester un nouveau médicament en combinaison avec tous les autres médicaments existants, car pour un seul médicament, cela demanderait 5.000 nouvelles expériences », explique Marinka Zitnik, stagiaire postdoctorale en informatique et co-auteur de l’étude.
Dans ces conditions, trois chercheurs de l’université américaine de Stanford ont créé Decagon, une intelligence artificielle capable de prédire les effets secondaires que peuvent entraîner la prise de paires de médicaments. Pour ce faire, elle se base sur la manière dont les médicaments ciblent différentes protéines.
Modéliser les interactions protéine-médicament
Le système repose sur un réseau massif qui modélise sous forme des graphes comment plus de 19.000 protéines courantes du corps humain interagissent entre elles et comment les substances actives des médicaments affectent ces protéines. Chaque réseau représente les interactions protéine-protéine, les protéines cibles du médicament et les interactions médicament-médicament, portant sur les effets secondaires connus.
Il y a 964 effets secondaires connus et près de 5.000 médicaments sur le marché. Cela représente donc près de 125 milliards d’effets secondaires possibles entre toutes les paires possibles de médicaments. La plupart d’entre eux n’ont jamais été prescrits ensemble, et encore moins étudiés systématiquement. En réalité, les effets secondaires des médicaments sont encore essentiellement découverts par accident.
Decagon a été entraîné à partir d’une liste de 645 médicaments. Sa base de donnée initiale contient 715.000 interactions protéine-protéine, plus de 4,5 millions d’interactions médicamenteuses et 18.596 effets secondaires sous forme d’interactions médicament-protéine. Grâce au deep learning, l’IA apprend progressivement et permet de prédire des effets secondaires inconnus liés à la prise de paires de médicaments.
Des prédictions confirmées
L’équipe a pu vérifier la véracité de plusieurs projections réalisées par Decagon. Par exemple, aucune donnée n’indiquait que la combinaison de l’atorvastatine, un médicament contre le cholestérol, et de l’amlopidine, un antihypertenseur, pourrait entraîner une inflammation musculaire. Decagon l’a prédit et cela a été relevé dans une étude de cas de 2017. En recherchant d’autres preuves d’effets secondaires prédits par Decagon, mais non présents dans les données de base, l’équipe a constaté que cinq des dix cas recherchés avaient été confirmés récemment, confortant l’efficacité des prédictions de Decagon.
Actuellement, Decagon prédit uniquement les effets secondaires associés à des paires de médicaments. À l’avenir, l’équipe espère étendre ses résultats à des schémas plus complexes, associant davantage de médicaments. Les chercheurs espèrent également créer un outil plus convivial permettant aux médecins de déterminer s’il est judicieux de prescrire un médicament à un patient et d’aider les chercheurs à développer des schémas thérapeutiques pour des maladies complexes avec moins d’effets secondaires. Le système est « 69 % plus performant que les systèmes classiques », estiment les auteurs. En étant proposée aux médecins, cette aide à la prescription pourrait donc diminuer grandement les risques liés aux interactions médicamenteuses.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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