Afin que la France atteigne la neutralité carbone en 2050, le déploiement massif de panneaux photovoltaïques est incontournable pour augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix-énergétique. Fin 2021, la puissance du parc solaire français s’élevait à environ 14 GW. Dans son rapport de prospective « Transition(s) 2050 », l’Ademe indique qu’il devrait atteindre un niveau compris entre 92 et 144 GW en 2050. Face à ce secteur jugé stratégique, un autre enjeu se situe au niveau de la relocalisation de la filière de fabrication des modules photovoltaïques en France et en Europe, alors qu’elle a été en grande partie démantelée au cours des années 2010, pour être transférée en Asie. Dans ce contexte, le CEA-Liten et l’INES (Institut national pour l’énergie solaire) développent plusieurs technologies dans le but de réduire l’empreinte carbone des panneaux photovoltaïques, tout en prenant soin de conserver leur compétitivité.
Un nouveau module, présentant deux particularités, a fait l’objet d’une preuve de concept. La première, au niveau de sa face avant, est qu’il intègre un verre provenant d’un panneau recyclé. « Grâce à un procédé mécanique développé par le CEA, nous avons démontré que l’on peut désassembler des modules photovoltaïques pour récupérer le verre et le remettre en l’état dans un nouveau cycle d’assemblage par lamination, explique Aude Derrier, Cheffe de service au CEA-Liten. Nous avons prouvé qu’il n’induisait pas de dégradation sur le produit, et qu’il permettait d’atteindre les mêmes performances et la même durabilité qu’un verre neuf. »
La deuxième particularité concerne la face arrière. Traditionnellement, elles sont conçues à l’aide de films tri-couches à base de PET (Polytéréphtalate d’éthylène) et de PVDF (Polyfluorure de vinylidène), dont le rôle est d’assurer une protection contre la pénétration de l’humidité. Ici, les chercheurs ont utilisé un composite thermoplastique, constitué d’une combinaison de fibres végétales (lin et basalte) associées à une résine thermoplastique. Étant donné que le lin a tendance à gonfler en cas d’humidité, engendrant des dégradations du comportement thermomécanique des cellules photovoltaïques – celles-ci n’étant plus en compression, mais en traction -, l’emploi du basalte a pour effet de contrecarrer ce phénomène. Et au final, cette nouvelle face arrière permet d’atteindre les mêmes niveaux de durabilité et d’étanchéité qu’un panneau standard.
Améliorer l’analyse du cycle de vie des panneaux solaires
Sur le plan du rendement photovoltaïque, des performances identiques aux produits standards à base de verre encapsulant « backsheet » ont été constatées, et ce, quelle que soit la technologie solaire utilisée : PERC (Passivated Emitter and Rear Contact), HJT (hétérojonction), ou TOPCon (Tunnel Oxide Passivated. Contact). Tandis que l’analyse du cycle de vie (ACV) de ce nouveau produit a pu être améliorée grâce à une réduction de l’empreinte carbone. « Nous avons gagné environ entre 50 et 80 kg de C02eq/kWp (kilowatt peak) comparé à des panneaux standard, précise Aude Derrier. À titre de comparaison, la CRE (Commission de régulation de l’énergie), qui correspond à l’autorité indépendante chargée de garantir le bon fonctionnement des marchés français de l’énergie, préconise de fournir des panneaux dont le bilan carbone est inférieur à 550 kg de C02eq/kWp. »
En parallèle de ce nouveau module, le CEA-Liten et l’INES développent un nouveau procédé de fabrication et d’assemblage des panneaux solaires. Actuellement, la technologie la plus employée est celle de la lamination à membrane sous vide. Les chercheurs ont testé et validé l’intérêt d’un procédé par thermocompression avec chauffage par induction. Il présente l’avantage d’accepter l’utilisation de nouveaux matériaux polymères et composites thermoplastiques, et notamment ceux issus du recyclage. « Nous sommes au début d’une nouvelle histoire dans la manière de fabriquer les modules photovoltaïques, en particulier en repensant différemment toute la démarche de l’éco-innovation, se réjouit la spécialiste. Ce nouveau procédé d’assemblage va nous permettre d’ouvrir le champ des possibles en termes de matières. »
Par exemple, il va être possible d’utiliser des matières recyclées issues de la filière automobile, comme c’est le cas du polypropylène, et de l’associer à des fibres de carbone recyclées. Avec le procédé standard de lamination, l’utilisation de ces matières est impossible. Le chauffage par induction produit une montée en température très rapide, jusqu’à 250, voire 270 degrés, et n’engendre pas de dégradation des cellules photovoltaïques, ce qui permet de conserver leurs performances et d’optimiser la rentabilité industrielle. Cette nouvelle technologie permettra aussi d’intégrer de plus grandes quantités de composites thermoplastiques dans la fabrication des modules, qui présentent l’intérêt d’être réutilisables, au contraire des thermodurcissables.
Dans cette démarche d’éco-innovation, le CEA-Liten et l’INES mènent également des travaux de recherche dans le but de réduire la quantité d’argent dans les modules en développant une nouvelle technologie d’interconnexion des cellules photovoltaïques. « Nous sommes au tout début de ce programme, mais je pense que nous pourrons parvenir à une preuve de concept dès l’année prochaine », conclut Aude Derrier.
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