L’hydrogène est l’une des solutions envisagées pour la mobilité propre de demain. Ce gaz ayant la particularité d’être très léger, son stockage représente un véritable défi à surmonter pour son utilisation à grande échelle. Un projet de recherche d’envergure internationale et baptisé EcoHydro1 vient de débuter et vise à améliorer les propriétés d’une résine thermoplastique dans le but de fabriquer de nouveaux réservoirs de stockage d’hydrogène recyclables. Réunissant quinze partenaires académiques et industriels issus de 7 pays différents, il bénéficie d’une subvention de 10 millions d’euros du programme Horizon Europe et durera 4 ans.
Quatre démonstrateurs de taille réduite vont être développés et dont le niveau de maturité technologique devrait atteindre 4 sur l’échelle TRL (Technology readiness level) qui en compte 9. Trois réservoirs seront destinés au stockage de l’hydrogène sous sa forme gazeuse : le premier à destination des stations-service, le deuxième pour être embarqué sur des camions qui alimenteront en hydrogène ces stations-service et le troisième pour approvisionner en carburant des camions qui fonctionneront grâce à des piles à combustible. Un quatrième démonstrateur sera destiné au stockage de l’hydrogène sous forme liquide cryogénique, à une température de – 253 degrés. Cette forme de stockage permet d’obtenir une densité énergétique plus élevée et donc de gagner en autonomie. Ce dernier démonstrateur sera développé pour Airbus, l’un des partenaires de ce projet, et sera destiné à son projet de concevoir son premier avion à hydrogène en 2035.
Pour le choix du polymère à mélanger avec la fibre, une résine thermoplastique commercialisée par Arkema, également partenaire de ce projet, et nommée Elium a été sélectionnée. « Elle possède une faible viscosité et il n’est donc pas nécessaire de fabriquer des pré-imprégnés sous la forme de tape[1] avant de fabriquer les pièces finales, déclare Chung-Hae Park, chercheur en matériaux et procédés à IMT Nord Europe et coordinateur du projet EcoHydro. Cette étape supplémentaire, quasi-systématique avec des composites thermoplastiques, a pour effet de renchérir le coût de fabrication. Grâce à la résine d’Arkema, il sera possible de fabriquer directement les pièces finales en une seule étape, par contre, cette résine n’est pas adaptée à la conception de réservoirs à hydrogène et l’objectif du projet EcoHydro sera de lui ajouter des fonctionnalités. »
Afin de respecter les normes en vigueur vis-à-vis du risque explosif, un additif sera ajouté à cette résine pour que les réservoirs puissent résister au feu et aux flammes. Une deuxième fonctionnalité consistera à apporter des propriétés auto-cicatrisantes à la résine et sera plus particulièrement destinée aux réservoirs cryogéniques. À basse température, tous les matériaux ont en effet tendance à devenir très fragiles. Grâce à des réactions chimiques, le composite thermoplastique devrait être capable d’auto-réparer des microfissures et éviter ou retarder leur développement. Pour limiter tout risque de fissure, de la fibre de basalte sera aussi ajoutée à la fibre de carbone, car elle possède une plus grande ductilité et permet de concevoir des réservoirs moins cassants. Ce type de fibre est déjà utilisé dans la fabrication de réservoirs pour le stockage de l’azote liquide.
Un matériau minéral capable de baisser fortement la conductivité thermique
Un autre axe de développement des réservoirs de stockage cryogénique concernera leur isolation thermique. Pour garder une température très basse, l’une des méthodes consiste à ajouter une couche sous vide autour de la paroi interne du réservoir, car elle présente une conductivité thermique proche de zéro. Revers de la médaille, cette solution a pour effet de réduire le volume de stockage de l’hydrogène, alors que le secteur de l’aviation est à la recherche de la plus grande autonomie possible de leurs aéronefs. « Avec l’un de nos partenaires, nous allons développer un matériau minéral capable de baisser fortement la conductivité thermique, complète Chung-Hae Park. Cet additif ne permettra pas d’éliminer 100 % de la couche sous vide, mais en limitera l’épaisseur. »
Le projet EcoHydro a aussi pour ambition d’augmenter la durée de vie des réservoirs. Actuellement, ceux fabriqués en matériaux composites et déjà commercialisés ont une durée de vie limitée et sont systématiquement remplacés tous les 10 à 15 ans pour des raisons de sécurité. « Nous allons installer des capteurs en fibres optiques ou en réseau FBG (Fiber Bragg Gratings) pour mesurer en temps réel la déformation des réservoirs, ajoute Chung-Hae Park. En parallèle, des algorithmes d’intelligence artificielle vont être développés pour prédire leur durée de vie résiduelle. L’idée étant de remplacer les réservoirs uniquement s’ils sont endommagés et peut-être que nous allons découvrir qu’il est possible de les utiliser pendant 10, 15, 20 ans, voire plus. »
Un dernier point concernera l’aspect du recyclage. Actuellement, entre 50 et 70 % du coût de fabrication des réservoirs en matériaux composites est lié à la fibre de carbone dont le prix est très élevé. Les résines thermoplastiques étant recyclables, il va être possible de séparer les fibres de carbone de la résine pour récupérer ces fibres et refabriquer de nouvelles pièces. « Le procédé de recyclage existe déjà, mais nous devons augmenter son niveau de maturité technologique, confie Chung-Hae Park. On espère ainsi réduire le coût des réservoirs, même s’il n’est pas possible de travailler qu’avec des fibres de carbone recyclées, car leur propriété mécanique baisse. »
1 Le projet EcoHydro signifie Economic manufacturing process of recyclable composite materials for durable Hydrogen storage
[1] Tape (en anglais) ou bande (en français)
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