« Le programme de transfert de technologies de l’Agence spatiale Européenne a pour but de faciliter les retombées des innovations spatiales afin de booster la compétitivité européenne, trouver de nouveaux débouchés et augmenter la capacité d’innovation des entreprises européenne », prévient Nicolas Louée, consultant senior de la société In Extenso Innovation Croissance. « L’idée est aussi que le grand public comprenne les retombées de la recherche spatiale au quotidien : si on prend l’exemple du médical, le progrès spatial peut aider à sauver des vies ! », insiste-t-il.
Comment est organisé le transfert de technologies ?
Le programme de transfert de technologies comporte un premier pilier visant à valoriser la propriété intellectuelle de l’agence via 450 brevets couvrant 150 inventions et déposés par les chercheurs. L’ESA se repose également sur un réseau de « brokers » pour augmenter le nombre de transferts réalisés chaque année. Ces entreprises sont des « courtiers en technologies », résume Nicolas Louée. Ces derniers assurent le transfert de technologies de l’ensemble du tissu industriel spatial européen (laboratoires, PME, start-up…). « À l’échelle de son pays, chaque broker sert de lien entre des donneurs de technologies du domaine spatial et les entreprises en recherche de solution en dehors de ce secteur, détaille l’expert. Leur rôle est de sélectionner une liste de technologies pertinentes et d’amorcer le transfert de technologies. »
Le programme s’appuie aussi sur un réseau de 13 incubateurs répartis un peu partout en Europe afin d’accompagner le transfert de technologies via la création de start-ups. Aujourd’hui, ce sont plus de 350 porteurs de projets qui ont été accompagnés au travers de ce dispositif.
Concrètement, sur la période 2013-2016, le réseau européen de broker a réalisé plus de 40 transferts pour un montant de 7 millions d’euros, recensé près de 250 innovations spatiales à fort potentiel de valorisation dans des applications terrestres, partagé 60 cas de transferts remarquables et rencontré une centaine de sociétés non spatiales par an pour échanger sur leurs besoins. Sur ce créneau, l’Hexagone est particulièrement performant. « En tant que broker, nous sommes multi-technologies et multi-secteurs d’application. Nous avons la charge de transférer n’importe quelle typologie de technologie développée dans le spatial, que cela soit l’optique, la télécommunication, les matériaux, les systèmes d’assemblage… pour trouver des applications dans le médical, le nucléaire, l’automobile, l’aéronautique, etc. », complète Nicolas Louée.
Financé par l’Agence Spatiale Européenne, les brokers ont pour objectif d’assurer un certain nombre de transferts par an. « Pour In Extenso Innovation Croissance, l’objectif de transfert de technologies se situe entre 2 et 4, suivant les années », précise Nicolas Louée.
Des success stories dans le médical !
À l’occasion de sa conférence, Nicolas Louée donne plusieurs exemples de transferts ayant eu lieu en Europe dans le secteur médical. Ainsi, l’entreprise Aabam a développé CondorScan, une mini caméra qui filme l’intérieur de la bouche et réalise en temps réel une empreinte des dents en 3D. Elle utilise une technologie développée au CNES pour les satellites Pléiades d’observation de la Terre. Au lieu de reconstituer en 3D la surface de la terre, la technologie reconstitue ici l’intérieur d’une bouche !
A l’Université de Maastricht, le vent extérieur de la clinique faisait vibrer les microscopes. Dans ces conditions, une chirurgie de l’oeil sur cinq était impossible. C’est en s’intéressant au téléscope Darwin qui détecte les exoplanètes qu’un broker néerlandais a trouvé la solution. La technologie permet d’amortir automatiquement les vibrations à ultra-basse fréquence dans les microscopes chirurgicaux. Elle pourra aussi être appliquée aux autres opérations de précision, comme la chirurgie du cerveau, des neurones ou de petits vaisseaux sanguins.
Par ailleurs, Crossject s’est inspiré de la propulsion spatiale pour injecter des médicaments par voie intradermique, sous-cutanée et intramusculaire, sans aiguille. Ce système d’injection pyrotechnique Zeneo a été adapté de la solution de la Société Nationale des poudres et explosifs (SNPE) développée pour la propulsion d’Ariane.
Actuellement, une start-up française développe une méthode pour détecter de façon précoce le cancer de la vessie. Cela passe par l’analyse en fluorescence de l’urine, adaptée d’une technologie pour améliorer l’analyse et le traitement des images hyperspectrales par satellite.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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