L’hydrogène peut être utilisé comme carburant grâce aux piles à combustibles et pourrait servir à stocker l’excédent de production renouvelable, comme le solaire ou l’éolien. Mais extrêmement inflammable, il doit être stocké dans d’encombrants conteneurs pressurisés. Pour surmonter cet obstacle, les équipes de Gábor Laurenczy de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), ainsi que celles du Leibniz-Institut für Katalyse ont trouvé une solution originale : transformer l’hydrogène en acide formique.
De l’hydrogène (H2) associé à du CO2 peut être transformé en acide formique (HCOOH) par électro-réduction grâce à un catalyseur. Ce procédé de catalyse peut être basé sur le fer – un métal facilement disponible et peu coûteux, en comparaison des métaux « nobles » comme le platine ou le ruthénium. L’avantage principal est que l’acide formique, ainsi obtenu est très peu inflammable et liquide à température ambiante. L’hydrogène peut alors être stocké facilement et en toute sécurité sous cette forme. La réaction inverse est également possible : par le biais d’une catalyse, l’acide formique retourne à l’état de CO2 et d’hydrogène, lequel peut ensuite être transformé en énergie électrique. Ici, pas besoin de haute pression, la réaction se fait à pression ambiante ! Un autre avantage de cette réaction par rapport au stockage conventionnel est que le procédé permet de stocker presque le double d’énergie à volume égal. En effet, un litre d’acide formique contient plus de 53 grammes d’hydrogène, contre à peine 28 grammes pour un même volume d’hydrogène pur pressurisé à 350 bars.
La synthèse de l’acide formique par hydrogénation du CO2 se fait généralement en milieu basique, en présence d’amines ou de sels tampons, et produit des sels de formiate. L’originalité des travaux de Gábor Laurenczy est de faire cette réaction en milieu acide, sans obtention de sous-produits. Cette synthèse se fait en une seule étape, contrairement aux procédés conventionnels qui en comportent plusieurs pour purifier l’acide formique obtenu.
Cette catalyse ouvre des portes nouvelles pour l’avenir de l’hydrogène, bien que la production industrielle ne soit visiblement pas pour tout de suite.«Les travaux de Gábor Laurenczy se poursuivent afin d’optimiser plusieurs maillons de la chaîne CO2– hydrogène – acide formique – énergie », prévient Emmanuel Barraud, communiquant de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. « Concernant l’utilisation de l’acide formique comme réserve énergétique, les travaux en cours actuellement visent à la réalisation d’ici la fin de cette année d’un prototype de générateur autonome de 1kW ». Deux sociétés ont déjà acheté une licence pour développer cette technologie: Granit (Suisse) et Tekion (Canada).
Stocker les énergies renouvelables
Le courant obtenu grâce à des énergies renouvelables peut produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau. Demain, cet hydrogène pourra être transformé et stocké sous forme d’acide formique, avant d’être retransformé sous sa forme initiale pour produire de l’électricité. La simplicité et la sécurité du procédé permettrait d’utiliser une pile d’acide formique à l’échelle domestique, pour stocker la production excédentaire de panneaux solaires ou de petites éoliennes.
Des voitures carburant à l’acide formique
La première voiture à hydrogène commercialisée par Toyota stocke l’hydrogène grâce à un réservoir pressurisé à 700 bars. Ce réservoir coûte très cher, rendant la voiture difficilement accessible au citoyen lambda. Mais demain, les voitures pourraient rouler à l’acide formique, grâce à un stockage plus compact. « Techniquement, c’est tout à fait faisable. D’ailleurs, de grands constructeurs nous ont contactés en 2008, quand le baril du pétrole a atteint des sommets.A mon sens, le seul obstacle est économique », confie Gábor Laurenczy.
Une autre application possible de ce procédé est d’utiliser le CO2 atmosphérique, responsable de l’effet de serre, pour synthétiser de nombreux produits chimiques.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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