Ces dix dernières années ont vu un élargissement important des recherches sur les biomatériaux. Une tendance qui concerne notamment les composites bio-fabriqués à base de mycélium (réseau de filaments des champignons) et biosourcés (la sciure ou la paille). Leurs excellentes propriétés thermiques et acoustiques leur promettent déjà de remplacer les mousses et plastiques des intérieurs actuels. De plus, le mycélium est peu énergivore et peut se contenter pour se nourrir de produits issus de l’agriculture. Son faible impact climatique a logiquement fait de l’œil aux membres du Hub for Biotechnology in the Built Environment. Cette collaboration créée en août 2019 regroupe des bio-scientifiques de la Northumbria University et des architectes de l’université de Newcastle. Leur objectif : réaliser des constructions durables issues du vivant.
Une construction fongique à toute épreuve !
Pour obtenir un mycélium exploitable, les chercheurs mélangent d’abord des spores avec des graines qui leur serviront à la fois de support et de réserve de nourriture. La mixture ainsi obtenue est placée dans un moule, lui-même mis dans un environnement sombre, humide et chaud. Le mycélium va alors pouvoir croître tranquillement jusqu’à atteindre la densité souhaitée, c’est-à-dire juste avant la maturation des champignons. Le mycélium est alors séché pour freiner drastiquement sa progression. Voilà donc un matériau peu cher et en accord avec l’environnement… Seulement voilà, il demande en retour un apport constant en oxygène qui limite du même coup la forme ainsi que la taille des moules qui le contiennent. C’est là que l’équipe anglaise a eu un coup de génie ! Elle a choisi d’utiliser du textile tricoté. Autrement dit, les moules sont perméables à l’oxygène. Ne reste plus qu’à ajouter un peu de poudre et de fibres de papier, de l’eau, de la glycérine et de la gomme xanthane. Et voilà une pâte de mycélium prête à l’emploi !
Un prototype de construction basé sur son mycélium a été présenté par l’équipe scientifique dans Frontiers in Bioenegineering and Biotechnology le 14 juillet 2023. Prénommé BioKnit (knit signifiant « tricot » en anglais), il s’agit d’un dôme de 2 mètres de diamètre et haut de 1,8 mètre. Pour le fabriquer, les chercheurs ont d’abord conçu un coffrage – un cadre flexible – en tubes de textile tricoté, qu’ils ont ensuite rempli de pâte de mycélium à l’aide d’un pistolet à injection. En croissant, le mycélium a rigidifié de lui-même l’ensemble de la structure.
À l’heure des tests mécaniques, l’équipe a souhaité vérifier la résistance de leur œuvre comparée à celle basée sur un mycélium conventionnel. Résultats : une capacité de flexion 16 fois plus importante (90,1 Mpa contre 5,6), une résistance à la compression 4,9 fois supérieure (12,3 Mpa contre 2,5), une densité moyenne plus haute de 23 % (306 kg/m³ contre 249 kg/m³) et trahissant une meilleure solidité. À l’avenir, cette fameuse pâte de construction pourrait mener à des édifices associant légèreté des matériaux et complexité des formes architecturales.
Cet article se trouve dans le dossier :
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