Rayonnant aujourd’hui à l’échelle nationale, l’association douaisienne ADOPTA a pour objectif d’accompagner et de former les acteurs publics et privés de l’aménagement à la gestion durable et intégrée des eaux pluviales. Elle peut pour cela compter sur une équipe de dix permanents, mais aussi sur un réseau qui ne cesse de s’étoffer, riche aujourd’hui de plus de 200 adhérents de tous horizons.
Née à Douai, dans le Nord, cette association a, petit à petit, étendu son rayonnement au niveau départemental, puis régional, pour finalement devenir une véritable référence nationale en matière de développement opérationnel et de promotion des techniques alternatives de gestion des eaux pluviales.
Dans le cadre de l’édition douaisienne du salon Cycl’Eau, organisée les 29 et 30 mai derniers à Gayant Expo, nous avons eu le plaisir d’échanger avec Jean-Jacques Hérin, qui est notamment revenu pour nous sur la genèse de l’association qu’il préside depuis sa création en 1997. Il nous en a également décrit la structure et les actions, avant de nous dévoiler quelques-unes des pistes que l’ADOPTA compte désormais explorer pour poursuivre son développement.
Techniques de l’Ingénieur : Pour quelles raisons, et dans quel contexte l’ADOPTA est-elle née ?
Jean-Jacques Hérin : Au début des années 90, la région de Douai a connu une série de cinq orages décennaux, qui ont à chaque reprise provoqué l’inondation d’un même quartier. La cinquième de ces inondations est véritablement apparue comme insupportable, d’autant que des travaux avaient entretemps été entrepris dans l’espoir de juguler le problème.
Les élus et moi-même – j’étais à l’époque directeur du syndicat d’assainissement[1] local – en avons ainsi conclu que nous n’avions plus la capacité de gérer l’eau à son arrivée dans le réseau… Il nous est donc apparu indispensable de parvenir à la gérer en amont, avant qu’elle n’arrive jusqu’aux tuyaux. Autrement dit, de décentraliser la gestion de cette eau pluviale.
Dès 1992, les élus ont ainsi décidé de changer radicalement de politique en la matière, en adoptant une gestion à la source, et ce, sur l’ensemble du territoire, pas uniquement là où les inondations se manifestaient. Amener tout le monde à contribuer à cet effort a été pour nous un aspect très important. Cette approche impliquant la mise en place de solutions de gestion par chacun – et non plus par un service centralisé –, rapidement, les élus se sont trouvés confrontés à une problématique : comment mettre en place un outil de communication et d’accompagnement qui permettrait à cette politique d’être correctement appliquée, et par tout le monde ? L’approche associative leur est alors apparue comme la plus pertinente, et ils m’ont donc chargé de créer une association, l’ADOPTA, qui a vu le jour en 1997.
À l’origine, cet acronyme signifiait « Association Douaisienne pour la Promotion des Techniques Alternatives en matière d’eaux pluviales ». Les élus imaginaient en effet, à l’époque, que chaque territoire adoptant une telle politique décentralisée créerait sa propre structure associative d’accompagnement. Dans les faits, ça n’est pas du tout ce qu’il s’est passé !
Des élus d’autres territoires sont en effet venus de plus en plus nombreux à Douai pour constater les effets de cette politique. Notre territoire d’investigation s’est ainsi naturellement élargi, à un point tel qu’à un moment donné, nous avons changé la signification d’ADOPTA, tout en conservant ce même acronyme. Notre structure est devenue « l’Association pour le Développement Opérationnel et la Promotion des Techniques Alternatives en matière d’eaux pluviales ».
Et cela n’est pas qu’un vain mot : cette notion de « développement opérationnel » est réellement dans notre ADN. Nous sommes les seuls en France à véritablement nous pencher sur le côté opérationnel des choses, en apportant notamment des retours d’expérience du terrain.
En 2008, notre association s’est professionnalisée, puis a connu un second virage important en 2017 avec la fusion des régions. Nous avons en effet été amenés à étendre notre action au-delà des frontières de l’ex-région Nord-Pas-de-Calais, et à travailler ainsi sur les cinq départements des Hauts-de-France. Cette évolution préfigurait alors l’élargissement de notre travail à l’échelle nationale : tout le monde connaît en effet aujourd’hui – ou connaîtra demain – cette problématique inondation. La prise de conscience est forte. Reste toutefois à apporter aux élus des réponses à de nombreuses questions : quelle politique déployer, quels moyens mettre en œuvre, comment s’organiser… ? Pour ce faire, dix personnes composent aujourd’hui l’équipe de l’ADOPTA. Une équipe que nous prévoyons d’ailleurs de renforcer dans un avenir proche, une fois notre nouveau directeur installé (propos recueillis le 29/05/2024, n.d.l.r.) afin de pouvoir répondre à davantage de sollicitations encore.
Très concrètement, quels types d’actions menez-vous ?
Nous menons aujourd’hui principalement deux types d’actions. Des actions d’animation locale tout d’abord, notamment en Hauts-de-France, mais pas uniquement. Depuis quatre ans, nous agissons en effet aussi de cette façon sur le territoire de l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, dans le cadre d’un marché public. Au 1er janvier 2024, nous avons par ailleurs ouvert, à leur demande, une antenne[2] couvrant les départements de la Mayenne et du Maine-et-Loire, toujours dans cet objectif d’animation. En parallèle d’autres actions d’animation que nous menons à l’échelle nationale, nous avons aussi noué un partenariat avec le pôle de compétitivité Aquanova, pour lequel nous assurons en quelque sorte un rôle de pilotage.
Le deuxième pan de notre action concerne quant à lui l’accompagnement technique et la formation. Nous proposons deux types d’offres en la matière : des modules organisés dans nos locaux de Douai, et d’autres, réalisés à leur demande chez nos clients – collectivités, élus, entreprises de TP et de maîtrise d’œuvre… – et conçus sur mesure. Nous proposons également des services d’accompagnement technique de projets, sans aller jusqu’à endosser nous-mêmes le rôle de maître d’œuvre. C’est un aspect qui se développe de plus en plus. L’objectif ultime serait ainsi que tout le monde soit formé, et que l’ADOPTA disparaisse… Cela fait toutefois déjà presque 27 ans maintenant que nous existons, et nous avons, à mon avis, encore un bon bout de chemin à faire !
Une association, ce sont aussi des adhérents… Qui et combien sont-ils ? Quels rôles jouent-ils au sein de l’ADOPTA ?
J’ai pour habitude de dire qu’en matière de gestion des eaux pluviales, il ne faut désormais plus de tuyaux, mais du réseau ! Un « réseau » entendu au sens de « réseautage » bien sûr. Par le biais de ce réseau d’adhérents que nous développons de plus en plus, nous avons ainsi établi des points d’appui dans l’ensemble du territoire où nous menons des actions d’animation, avec des acteurs capables d’assurer un certain nombre d’opérations « courantes ». Cela nous permet ainsi de n’avoir à apporter notre soutien direct qu’aux projets les plus complexes.
Nous cherchons aussi, d’autre part, à faire réseauter nos adhérents entre eux, afin qu’ils puissent partager des retours d’expériences, et réfléchir ensemble autour de problématiques particulières. C’est vraiment quelque chose de très important à nos yeux, que nous comptons ainsi amplifier à l’avenir.
Nous avons aujourd’hui franchi le cap des 200 adhérents, répartis en deux collèges : collectivités et autres établissements publics d’une part ; et acteurs de l’économie d’autre part : maîtrise d’œuvre et d’ouvrage privée, entreprises, architectes, paysagistes… Notre objectif étant de faire se rencontrer ces deux univers.
Nous avons pour cela notamment mis en place des showrooms, qui nous permettent de présenter les solutions proposées par les acteurs du monde économique aux collectivités, mais pas uniquement. Les apporteurs de solutions sont en effet également de plus en plus nombreux à vouloir découvrir toute la palette de solutions disponible sur le marché. Ceci, dans le but d’être les plus précis possible dans leurs prescriptions techniques, en allant jusqu’à indiquer à un client, le cas échéant, que leur produit n’est pas le plus adapté à son besoin. L’objectif n’est plus le profit à tout va, la démarche est de plus en plus responsable. Le business devient plus intelligent, et durable.
Outre les différents axes de travail actuels que vous nous décriviez, quelles autres pistes comptez-vous éventuellement explorer à l’avenir pour poursuivre le développement de l’ADOPTA ?
Jusqu’à présent, notre action s’est essentiellement concentrée autour des eaux pluviales en ville : la GEPU, pour « Gestion des eaux pluviales urbaines ». Or, l’eau pluviale n’a évidemment pas de frontières… Se pose ainsi toute la problématique des bassins versants présents en amont des villes. Il s’agit en général plutôt de territoires « ruraux », ou, plus précisément, d’« espaces naturels, agricoles et forestiers » (ENAF). Des espaces sur lesquels on constate un ruissellement de plus en plus important. Cette problématique entre de plus en plus dans les consciences, et ce, sous l’influence de trois phénomènes principaux : les coulées de boue, qui peuvent en effet affecter les milieux urbains et la sécurité des populations ; l’appauvrissement de la ressource en eau potable, toute eau ruisselante n’alimentant pas les aquifères ; et enfin l’augmentation des besoins d’irrigation agricole, sous l’effet là aussi de la diminution de l’humidité des sols. Ces trois éléments se conjuguent dans le mauvais sens du terme et forment ainsi un véritable cercle vicieux. Il nous faut donc renverser la vapeur, en travaillant par exemple sur les pratiques agricoles et l’enrichissement des sols en matière organique notamment, qui présente en effet de multiples intérêts, tels que l’augmentation de la résistance des sols à l’érosion et à la battance. Cela constitue également un formidable puits de carbone[3], et met ainsi en lumière la nécessité de décloisonner nos organisations et nos politiques, de façon à converger tous ensemble vers un même objectif, sans affrontement. C’est cette philosophie qui va en grande partie guider nos actions à venir.
[1] Syndicat Intercommunal d’Assainissement de la région de Douai (SIADO).
[2] ADOPTA compte aujourd’hui quatre antennes au niveau national : à Douai, Clairoix (près de Compiègne), Metz et Laval-Angers.
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