Le résultat de cette démarche volontaire chinoise, vers plus de compétitivité économique, s’est concrétisé par un développement de nombreuses activités nécessitant soit un fort apport de main d’œuvre, soit un fort apport d’énergie entraînant un puissant développement économique local (PIB de la Chine multiplié par 2 entre 2004 et 2011) mais aussi mondial, et ceci malgré le passage d’une profonde crise financière puis économique dans le monde occidental, durant cette période.
Les données de la Banque Mondiale sur la croissance du PIB mondial, à dollar constant, montrent qu’entre 2004 et 2012 ce PIB s’est accru de 22%, équivalents à une croissance annuelle moyenne de 2,5% durant ces 8 années passées.
Les données sur les émissions mondiales de CO2, publiées par l’Administration néerlandaise (pbl.nl) montrent que durant cette même période ces émissions industrielles sont passées de 28,6 milliards de tonnes en 2004 à 34,5 milliards de tonnes en 2012 (voir tableau ci-dessous), ce qui représente un accroissement de 21%.
Un examen plus détaillé de ces données, année après année, montre que les valeurs d’accroissements des émissions mondiales de CO2 sont quasiment identiques à celles de la croissance du PIB mondial (tableau et figure ci-dessous).
Devant ce constat simple qui neutralise certains biais tels que les transferts d’activités polluantes d’une région à l’autre, plusieurs types de réflexions peuvent être conduits :
- Le premier consiste à acter avec fatalisme ce lien entre développement et consommation d’énergie et de dire qu’il n’y a pas grand-chose à faire. Les faibles progressions de consommations énergétiques occidentales et de rejets de GHG sont compensées par les fortes progressions asiatiques, dont une part provient des transferts par délocalisation. L’industrie de l’aluminium de première fusion, devenue largement localisée en Chine, est un exemple de ces transferts énergétiques.
- Le deuxième est de développer diverses versions de la théorie de la décroissance et de conclure que seul un monde plus frugal nous permettra de limiter les émissions de gaz à effets de serre (GHG). Mais encore faudrait-il définir les contours de cette frugalité collective. Elle suppose en particulier qu’un monde conduit dans un état volontaire de pénurie généralisée de ressources conserverait ses Etats démocratiques. Pensez-vous que les plus forts laisseraient leur part du gâteau rabougri aux plus faibles ? Permettez-moi d’en douter.
- Le troisième, celui que je défends, consiste à remarquer que ces transferts de dépenses énergétiques vers la Chine ont été réalisés à moindre coût, mais sans se soucier des fortes externalités négatives, conséquences de ces décisions. C’est la croissance chinoise et asiatique des consommations d’énergie à faible coût, émettrices de grandes quantités de gaz à effet de serre (croissance de 90% des émissions asiatiques de CO2 entre 2004 et 2012), qui est la cause essentielle de ce lien étroit entre PIB et émissions de GHG. Sur les 35 milliards de CO2 relargués en 2012, la moitié était en provenance d’Asie. Cette remarque qui constate l’absence globale de gains sur les émissions mondiales de CO2, appelle soit à un effort massif d’investissement, sur une ou plusieurs décennies, de la part des Chinois pour stabiliser puis réduire leurs émissions. Les centrales hydroélectriques, les centrales nucléaires et un zeste d’énergies renouvelables couplées à des centrales de pompage-turbinage devraient constituer un mix plus performant que celui mis en œuvre aujourd’hui dans ce pays. Soit accepter et amorcer, en parallèle, une relocalisation en Occident de certaines productions de biens consommatrices d’énergie. Le processus paraît être en cours aux Etats-Unis dont les ressources en gaz naturel et en condensats semblent être considérables. Cette saine concurrence énergétique mondiale ne pourra que persuader les acteurs à agir pour essayer de conserver ou d’accroitre leurs parts de Marché.
Par Raymond Bonnaterre
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