Une enquête menée par Destin Commun permet d’appréhender les inquiétudes des Français dans la situation actuelle d’inflation. La hausse des coûts de l’énergie les oblige à des privations et si la sobriété semble incontournable, ils estiment qu’elle doit peser en priorité sur les plus aisés.
Faut-il en priorité lutter contre l’inflation ou contre le bouleversement climatique ? Les Français sont-ils prêts à faire des efforts pour passer une période de pénurie énergétique ? Afin de répondre à ces questions, l’association Destin Commun a réalisé une enquête auprès d’un échantillon de 2 193 personnes représentatif de la population française. Son analyse de la situation repose sur un précédent travail qu’elle a mené pour montrer les fractures au sein de la société française, divisées en six types de famille : les Militants désabusés, les Stabilisateurs, les Libéraux optimistes, les Attentistes, les Laissés pour compte et les Identitaires.
Des privations face à l’inflation
La complexité du monde actuel plonge la population dans l’incertitude. Après la crise sanitaire qui a fragilisé les économies mondiales, la guerre en Ukraine se superpose à une crise majeure d’approvisionnement en énergie et en matières premières agricoles. S’ajoutent les effets du changement climatique, durement éprouvés cet été, entre canicules, sécheresses et incendies. Difficile dans ce contexte d’y voir clair pour l’avenir, ces crises se traduisant aujourd’hui par une forte inflation. Les Français ont d’ailleurs du mal à comprendre la hausse des prix (65 % d’entre eux) alors que ce phénomène semble mieux saisi dans d’autres pays (Pologne, Allemagne, Royaume-Uni). La Russie est accusée par les Français de causer la spirale inflationniste, mais quasiment au même niveau que le gouvernement français et les entreprises du secteur de l’énergie et du pétrole. Cette défiance envers les acteurs politiques et économiques est complétée d’une suspicion un peu moins forte, mais néanmoins réelle envers le monde de la finance, de l’Union européenne, voire de groupes d’intérêts cachés.
Il n’en reste pas moins que la hausse des prix pèse sur le quotidien des Français dont 57 % disent éprouver des difficultés et 16 % se jugeant en grande difficulté. 85 % des interrogés sont donc inquiets de l’impact économique de l’inflation. Les plus fragiles sont les plus touchés et multiplient les privations, notamment en restreignant leur budget énergie et transport, en réduisant les loisirs, en modifiant leurs vacances, en achetant des produits alimentaires de moins bonne qualité, en sautant des repas ou en repoussant des soins médicaux (voir graphe). Six Français sur dix pensent aussi devoir limiter leur chauffage l’hiver prochain. Face à cette crise qui leur semble durable, 65 % d’entre eux pensent que le climat social va se dégrader, avec des grèves de grande ampleur dans les prochains mois. 40 % se disent même très favorables à la reprise du mouvement des Gilets jaunes.
Approche équitable de la sobriété
Parmi les causes de la crise, les Français identifient également la dépendance aux énergies fossiles, particulièrement chez ceux que Destin Commun qualifient de Militants désabusés et de Stabilisateurs. Certaines idées proches de théories du complot apparaissent aussi chez les Identitaires et les Laissés pour compte, qui estiment que l’augmentation du prix du pétrole et du gaz fait partie d’un plan gouvernemental pour forcer le passage aux énergies renouvelables (respectivement à 68 % et 56 %).
Néanmoins, une majorité de Français en appelle à l’intervention de l’État soit pour sauvegarder le pouvoir d’achat (hausse des salaires, bouclier tarifaire sur l’électricité et le gaz, plafonnement des factures d’énergie, prolongation de la remise à la pompe), soit pour aller dans le sens de la transition écologique (gratuité ou baisse des prix des transports publics, prime ou prêts à taux zéro pour investir dans des dispositifs d’économies d’énergie). 72 % souhaitent aussi une accélération du développement des énergies renouvelables. Cette reconnaissance des énergies vertes fait toujours l’objet d’un clivage avec un appel parallèle à l’énergie nucléaire plus ou moins fort selon les orientations politiques.
À l’inverse, l’idée de rationnement énergétique est la moins plébiscitée. À l’heure où la Première ministre Élisabeth Borne lance un plan de sobriété, le principe de limiter la consommation a encore du mal à passer. En écho aux propos controversés du Président sur « la fin de l’abondance », on voit que se joue là un enjeu de justice sociale et de redistribution des richesses : 48 % des personnes interrogées pensent que ce sont les plus riches qui doivent faire le plus d’efforts. D’ailleurs, l’enquête montre que les Français sont favorables à une augmentation des impôts sur les bénéfices des entreprises dans le domaine de l’énergie (à 73 %) et pour les personnes ayant des revenus élevés (à 67 %).
Pour finir, le jugement des Français est ambivalent sur la priorité à accorder au pouvoir d’achat ou au climat. 40 % d’entre eux sont d’accord pour repousser les engagements sur le climat, le temps d’aider les gens à affronter l’augmentation du coût de la vie. Mais 60 % des Français reconnaissent qu’en s’éloignant des objectifs climatiques, on ne ferait que maintenir notre dépendance à des pays comme la Russie et on ne ferait que décaler dans le temps la hausse des factures d’énergie. Une situation qui paraît inextricable, mais qui pourrait trouver une issue dans le regain d’intérêt des Français pour une réponse collective (à 44 % soit +7 points par rapport à fin 2021).
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