Plusieurs mois après le confinement du printemps dernier, quel avenir pour les entreprises françaises ? Malgré les mesures déployées par l’État pour endiguer les effets de la crise sanitaire, l'avenir des professionnels risque d'être difficile d'un point de vue économique. Entretien avec Jean-Guilhem Darré, délégué général du Syndicat des Indépendants, pour qui les entreprises entrent actuellement « dans une zone rouge ».
Pour nombre d’entreprises françaises, l’année 2020 marquée par la crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus a été synonyme d’activité ralentie. Le confinement et l’arrêt de l’importation des matières premières venues d’Asie ont grandement contribué à ce ralentissement. Au printemps dernier, Techniques de l’Ingénieur s’était entretenu avec Jean-Guilhem Darré, délégué général du Syndicat des Indépendants (SDI). Il avait évoqué les espoirs de relocalisation, la compétitivité de la France et le risque de voir des faillites survenir. Quatre mois après le « déconfinement », Jean-Guilhem Darré s’exprime à nouveau.
Techniques de l’Ingénieur : De manière générale, comment se portent les entreprises aujourd’hui ?
Jean-Guilhem Darré : La réponse n’est pas simple. Sur le terrain, le moral et la motivation sont toujours présents. Mais la problématique que l’on rencontre aujourd’hui, c’est qu’on a eu entre deux et trois mois d’absence totale d’activités. Il y a eu énormément de charges courantes dont le paiement a été reporté, d’avril à août. Cela concerne les loyers commerciaux, les charges sociales, ou encore les remboursements des emprunts, dont les mensualités avaient été suspendues par les banques jusqu’en septembre. Et vers mars-avril 2021 s’ajouteront à ces charges les remboursements des prêts garantis par l’État (PGE).
Peut-on s’attendre à une rapide amélioration de la situation ?
Actuellement, les entreprises entrent dans une zone rouge. Cela s’explique par le fait que les aides qui ont été mises en place pendant la période de confinement et les mois supplémentaires ont été stoppées. Et le plan de relance n’est pas encore arrivé. Ce dernier n’arrivera pas avant le vote du projet de loi de finances pour 2021, qui aura lieu au début de l’année prochaine. Les entreprises se retrouvent donc dans une période d’entre-deux. Durant les six prochains mois, il n’y aura pas d’élément concret qui permette de relancer l’activité. Les entreprises se retrouvent aujourd’hui confrontées à un mur de dettes qu’elles pourraient peiner à solder. Cela sera particulièrement difficile pour les secteurs qui ont le plus souffert durant les dernières semaines.
Les sociétés de l’industrie font-elles partie des structures les plus en difficultés ?
Le secteur industriel a enregistré des pertes assez importantes, à hauteur de 10 %. La bonne nouvelle, c’est que peu de sociétés ont fermé leurs portes. Cependant, parmi celles qui l’ont fait, la proportion de PME est importante. Actuellement, l’industrie est en souffrance.
Les faillites risquent-elles d’accélérer dans les prochains mois ?
Le risque de voir des faillites en cascade est présent. A priori, les 550 000 entreprises qui ont sollicité un PGE devraient pouvoir subsister. Selon les informations communiquées par la Banque de France, les 120 milliards d’euros issus des PGE n’ont globalement pas encore été utilisés. Par conséquent, on est plutôt sur de l’épargne de précaution, comme le feraient les particuliers. Reste à savoir comment ces sommes seront utilisées durant les prochains mois. Il semble peu probable qu’elles servent à investir. Peut-être seront-elles employées pour payer les dettes dont nous parlions précédemment.
Les entreprises sont-elles exposées à d’autres facteurs de risques ?
La reprise de la cotation des entreprises à partir du mois de septembre, effectuée par la Banque de France, pourrait également mettre les sociétés en difficulté. L’indice de solvabilité des entreprises pourrait se retrouver impacté négativement. Par conséquent, certaines entreprises pourraient rencontrer de plus grandes difficultés pour accéder aux prêts bancaires et aux assurances de crédit. Les trois milliards d’euros prévus dans le plan de relance pour assurer le renforcement des fonds propres risquent de ne pas être suffisants. Et un manque de solvabilité risque de faire fuir les fournisseurs.
L’espoir de voir des unités de production relocalisées est-il toujours d’actualité ?
La relocalisation dépendra de décisions économiques et industrielles. Deux éléments peuvent amener à relocaliser. Premièrement, le souhait d’avoir une chaîne de production raccourcie, ce qui aurait un retentissement écologique. Deuxièmement, dans le cadre du plan de relance, les impôts de production vont être divisés par deux. Cela représentera 10 milliards d’euros d’économies par an à partir de 2021, et soulagera largement les entreprises industrielles. Les PME, les ETI [entreprises de taille intermédiaire, NDLR], et les grandes entreprises profiteront de cette mesure. En revanche, cette disposition ne touchera les TPE que dans une moindre mesure.
D’autres mesures de soutien sont-elles prévues par l’État ?
Les PME et les ETI pourront également profiter d’une autre mesure : le renforcement de leurs fonds propres. L’intérêt est de ne pas pénaliser leur capacité d’investissements. Ce dispositif fait également partie du plan de relance.
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