Après les forts ralentissements d’activités causés par le confinement du printemps dernier, les entreprises du secteur industriel français commençaient à voir leur situation s’améliorer. Avec cette nouvelle période de confinement, de nouvelles craintes surgissent au sujet des résultats de la fin de l’année. Mais pour Vincent Moulin-Wright, directeur général de France Industrie, organisation professionnelle représentative de l’industrie en France, plusieurs éléments permettent d’envisager l’avenir avec une relative sérénité. Selon lui, les mesures prévues par le plan de relance devraient permettre aux entreprises de résister durant cette nouvelle période troublée.
Techniques de l’Ingénieur : Comment l’industrie française accueille la nouvelle de ce nouveau confinement ?
Vincent Moulin-Wright : Face à la recrudescence de la circulation du virus, cette deuxième période de confinement est justifiée. Nous estimons que le gouvernement a trouvé un équilibre raisonnable entre enjeux sanitaires et enjeux économiques. C’est un changement positif dans l’approche, par rapport au premier confinement, qui permet de préserver l’activité industrielle tout en privilégiant le télétravail lorsque cela est possible.
Comment se comportent les entreprises face aux difficultés vécues cette année ?
Cette année, l’activité est en net recul par rapport à 2019. En mars, elle était réduite à 50 % par rapport à mars 2019, puis à 60 % en mai par rapport à mai 2019. Depuis le déconfinement, une lente reprise est en cours. Ainsi, le niveau d’activité du mois d’octobre représente 92 % de ce qu’il était un an auparavant. Nous commencions à peine à revenir vers une certaine normalité. La sous-activité commençait à se résorber, elle n’était plus que de 8 %. La sous-productivité induite par les contraintes sanitaires avait également diminué de 5 %. Ce nouveau confinement remet en cause ces timides progrès et nous replonge dans l’inquiétude et le manque de prévisibilité. Cela implique des risques importants tels que la désindustrialisation, ou encore un chômage de masse.
Quels sont les segments de l’industrie les plus touchés ?
Malgré les indices de reprise, trois secteurs sont encore sous surveillance : la sidérurgie, l’aéronautique et l’automobile. Les difficultés concernent également la sous-traitance industrielle qui fournit ces activités. Ce sont les entreprises qui travaillent dans les secteurs de la mécanique, ou encore de la métallurgie. D’autres secteurs souffrent également. Ce sont la santé, l’agroalimentaire, la construction, ou encore la chimie. Cette période doit être un moment charnière pendant lequel il est nécessaire de faire des choix cruciaux pour la survie et la transformation de notre économie et de notre pays.
Les entreprises sont-elles mieux armées aujourd’hui pour supporter un ralentissement de leurs activités ?
En mars, des mesures d’urgence ont permis de maintenir en partie l’activité économique et de préserver les emplois et les compétences notamment grâce à la mise en place des mesures de chômage partiel. Pour cette deuxième période, nous sommes dans une situation complexe car elle combine, pour certains, la mise en œuvre des mesures de relance pour le moyen terme, et pour d’autres, de nouvelles mesures d’urgence. Après ces confinements successifs, et peut-être d’autres à venir, les entreprises sont fragilisées. Difficultés de trésorerie, carnets de commandes à faible visibilité, exportations ralenties, fort absentéisme lié aux cas de Covid-19, font craindre aux entreprises un avenir morose.
Est-il possible de quantifier de manière chiffrée les pertes enregistrées par les entreprises industrielles depuis le début de l’année ?
Les perspectives annuelles restent sombres, avec une baisse significative de plusieurs indicateurs. Le chiffre d’affaires est en recul de 20 % dans certains secteurs. Il l’est bien plus pour l’aéronautique. La valeur ajoutée est également touchée, du fait de l’effondrement des marges. Mais c’est surtout la forte baisse de l’investissement qui est à craindre. Pour 2020-2021, nous craignons qu’elle s’élève à près de cinquante milliards d’euros. Le plan de relance compensera en partie, s’il n’impose pas de trop lourdes contraintes aux entreprises. Cela risquerait de décourager beaucoup de projets industriels.
Pensez-vous que le plan de relance est adapté aux attentes et aux besoins des industriels en difficulté ?
Le plan France Relance, annoncé le 3 septembre, est à la hauteur des enjeux. Sur les 100 milliards d’euros dont il dispose, 33 milliards sont dédiés à l’industrie. Nous considérons que ces mesures fortes vont permettre de rétablir durablement une industrie compétitive en France. Nous nous félicitions d’avoir réussi à faire entendre la voix des industriels exposés à la concurrence internationale en obtenant une baisse de dix milliards d’euros des impôts de production. Un souffle nouveau est donné à la politique industrielle de notre pays. C’est un vrai levier de transformation de nos entreprises industrielles, petites ou grandes, avec des outils et dispositifs dont nos chefs d’entreprise doivent se saisir sans plus attendre.
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