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Décryptage

Couper Internet : une tentation pour certains États

Posté le par Philippe RICHARD dans Informatique et Numérique

En juin, le gouvernement algérien a coupé l’ensemble du réseau internet du pays pendant plusieurs heures. Objectif : éviter les tricheries durant l’épreuve du bac. Pour l’ONU, une coupure totale ou partielle équivaut à une violation des droits de l’Homme.

L’état algérien n’a en fait pas « coupé » internet en juin. Il a bloqué l’accès au web, ce qu’on appelle le World Wide Web. Il s’agit des services que l’on utilise quotidiennement comme la messagerie électronique et le surf sur des sites. L’Iran et la Chine sont connus pour mettre les pieds dans la toile pour diverses raisons.

Mais deux pays n’ont pas hésité à mener un blocage quasi total. Ce fut le cas en Birmanie (au moment de la « révolte Safran » de 2007 menée par les moines bouddhistes) et en Égypte en 2011.

Pour éteindre l’Internet, les FAI de ces pays ont bloqué l’accès aux protocoles DNS (Domain name server, qui aiguille les ordinateurs vers les adresses des sites) et BGP (Border gate protocol, qui indique quelles adresses IP sont utilisées par les fournisseurs d’accès). Impossible aux PC de trouver un chemin permettant d’accéder à la toile.

Dans ces deux pays, ces actions ont été facilitées par le fait qu’il y a peu de Fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et qu’ils ont des liens plus ou moins étroits avec les États…

Techniquement, l’État français pourrait obtenir le même résultat si les principaux FAI bloquaient l’accès à ces deux protocoles. En théorie, car il s’agit d’entreprises privées qui n’ont pas de lien direct avec l’État français (sauf Orange dont une vingtaine de pour cent du capital est détenu par l’État, la BPI et la Caisse des dépôts).

Mais il y a surtout trois principaux obstacles juridiques. « Premièrement, il n’y a pas de texte de loi en France permettant à l’État de demander aux FAI de bloquer l’accès à l’Internet. Deuxièmement, dans le cadre d’HADOPI, une décision du Conseil Constitutionnel a précisé qu’il n’est pas possible de couper la connexion d’un internaute sans la décision d’un juge. Si l’État voulait couper les connexions de tous les particuliers, il devrait donc obtenir des dizaines de millions de décisions des juges », précise Benjamin Bayart, président de FDN (French Data Network), le plus vieux fournisseur d’accès Internet français.

Enfin, la France est traversée par de nombreux backbones transeuropéens et internationaux. Ces réseaux à très large bande passante sont l’épine dorsale qui relie chaque Fournisseur d’accès Internet au réseau mondial. « Une bonne part des câbles traversant l’Atlantique arrivent en Bretagne ou en Grande Bretagne, le reste passant plus au Nord, par l’Islande, etc. Ils sont gérés par des multinationales », rappelle Benjamin Bayart.

Il y a aussi des limites techniques. En plus des principaux FAI français, il y a aussi des milliers d’autres opérateurs qui sont soit très petits ou spécialisés (au monde de l’entreprise ou à certaines communautés comme le réseau Renater des universités françaises).

Enfin, la coupure d’internet aurait d’importantes répercussions sur l’économie du pays. Le système de paiement par carte bancaire dépend du réseau mondial pour valider les transactions. Résultat : il serait impossible de payer dans un magasin ou d’acheter sur un site en utilisant une carte de crédit. De nombreuses opérations administratives (déclaration des impôts, URSSAF, demande de papiers d’identité…) seraient également bloquées.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les autorités égyptiennes n’avaient pas coupé 100 % du trafic. La Bourse égyptienne et plusieurs grandes entreprises internationales avaient toujours accès à la toile.

Philippe Richard

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