En difficulté depuis quelques mois, la filière méthanisation vient de bénéficier d’un coup de pouce de l’État. Ce rééquilibrage du soutien public se justifie au regard de l’importance du biogaz dans le futur système énergétique.
La France prévoit en effet un fort développement de la production de biogaz pour sa transition. La valorisation du biogaz s’est historiquement faite par cogénération d’électricité et de chaleur, puis l’injection de biogaz épuré dans les réseaux de gaz a été privilégiée grâce à un soutien public (tarif d’achat, droit à l’injection).
L’ambition est d’injecter 44 TWh/an de ce biométhane en 2030. Un objectif de taille quand on sait que la filière est partie de zéro dans les années 2000 et a peiné à installer la méthanisation dans le paysage agricole, tant par manque initial d’industriel spécialisé que de nouvelles habitudes à prendre pour les agriculteurs ou de préjugés à vaincre pour les riverains. Jusqu’aux crises de 2020-2022, une bonne dynamique s’était néanmoins installée, permettant à la filière de dépasser son objectif 2023 (6 TWh) dès 2022. Aujourd’hui plus de 10 TWh/an sont injectés.
Plus de souplesse administrative
Mais les deux dernières années, comme d’autres activités, la filière méthanisation a souffert de l’inflation du coût des matériaux et de l’énergie. Cette hausse des dépenses se heurtait à l’obligation de réduire les coûts de production imposée par les pouvoirs publics avec une diminution régulière du tarif d’achat auquel le biométhane est valorisé. « Les conditions économiques devenaient trop difficiles pour les installations existantes et les nouveaux projets. Face au risque de ne pas atteindre les objectifs 2030 de la Programmation pluriannuelle de l’énergie, la Direction générale énergie-climat (DGEC) a repris plusieurs propositions des acteurs de la filière, en publiant un décret et deux arrêtés le 13 juin 2023 », explique Raphaël Boukobza, juriste au Club Biogaz de l’ATEE.
Le décret apporte deux souplesses aux installations de méthanisation. Pour les projets en cours ou à venir, si un contentieux (opposition de riverains par exemple) empêche l’installation de démarrer, les exploitants peuvent désormais attendre la mise en service effective pour profiter du tarif d’achat de biométhane. Ce n’était pas le cas auparavant, car le temps du contentieux – parfois en années – se déduisait de la période de 15 ans d’accès au tarif. Le délai est illimité pour les contrats signés après le 24 novembre 2020, et il est de trois ans pour ceux signés avant.
L’autre facilité est de donner la possibilité aux exploitants de méthanisation, les deux prochaines années, de changer une fois par an l’estimation de leur capacité maximale de production (Cmax) pouvant bénéficier du tarif d’achat. Avant, ceci n’était possible qu’une fois tous les deux ans. Maintenant, une plus grande flexibilité sera possible, en particulier pour que les exploitants augmentent leur production lorsque l’approvisionnement national en gaz est tendu, comme l’hiver dernier.
Améliorations tarifaires
Les deux arrêtés, quant à eux, améliorent les conditions tarifaires de valorisation du biométhane. L’un précise qu’en cas de dépassement de Cmax, le biométhane – qui ne bénéficie alors plus du tarif d’achat – sera valorisé au prix journalier constaté sur le marché de gros du gaz naturel. À charge pour l’exploitant de voir si ce prix lui convient, mais il dispose ainsi d’un débouché économique.
L’autre arrêté conduit à une amélioration du tarif d’achat par différents ajustements.
- L’annualisation de Cmax plutôt que sa mensualisation. Cette mesure très attendue permet d’éviter un torchage du biogaz l’été quand il y a un écrêtement de la demande de gaz sur le réseau. Cette annualisation donnera également plus de flexibilité aux producteurs ayant des soucis de production.
- Une réhausse d’environ 5 % du tarif en annulant les dégressivités passées de 0,5 % par trimestre depuis novembre 2020. Ce taux de dégressivité est néanmoins maintenu pour que la filière continue ces efforts de compétitivité.
- La possibilité de cumuler les aides financières de l’Ademe avec le tarif d’achat, alors qu’auparavant une décote de 5 €/MWh s’appliquait. Le taux de rentabilité interne avant impôts du projet doit néanmoins rester inférieur à 10 %.
- Une meilleure prise en compte de l’évolution des coûts dans la formule tarifaire grâce une mise à jour deux fois par an au lieu d’une, et à l’ajout d’une indexation sur le coût de l’énergie.
- La possibilité pour les installations de méthanisation d’autoconsommer une partie de leur biogaz pour la pasteurisation, l’hygiénisation et le prétraitement des produits entrants dans le méthaniseur. Dans ce cas, le tarif d’achat bénéficiera d’une prime proportionnelle au volume de gaz autoconsommé.
« Avec toutes ces mesures, la filière estime que la revalorisation des tarifs d’achat est d’environ 18 %. Elle redonne des perspectives encourageantes pour les installations existantes et pour le développement de projets de biométhane en injection » complète Raphaël Boukobza. Les représentants de la filière (Syndicat des énergies renouvelables, France Gaz, France Gaz Renouvelable, Club Biogaz de l’ATEE) estiment même qu’avec le lancement de nouveaux appels d’offres et la mise en place de certificats de production de biométhane, la France pourrait produire 70 TWh de biométhane en 2030, soit 20 % de sa consommation. Pour être crédible, il faudra aussi qu’elle fasse des efforts en matière d’efficacité énergétique. D’ailleurs le récent arrêté incite les installations à limiter leur consommation d’électricité à 15 % de l’énergie qu’elles produisent, et à ne plus utiliser de gaz d’origine fossile. Quand on est vertueux, il faut l’être jusqu’au bout…
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