Prochainement, la Commission européenne étendra sa capacité d’observation des terres agricoles, en vue du développement de modèles agroécologiques. À partir de la fin de l’année 2020, l’offre de service de Copernicus à destination des parcelles cultivées va s’intensifier. Deux nouveaux services, Phenology HR et Cropland HR, vont permettre l’accès à de nouvelles données relatives au monitoring des pratiques agroécologiques. Ils s’inscrivent dans le cadre du programme européen d’observation de la Terre par satellite, Copernicus. Les données collectées depuis 2014 par les satellites Sentinels servent notamment à appliquer les mesures de la Politique agricole commune (PAC).
Ces nouveaux outils permettront d’obtenir une grande résolution de cartographie, allant jusqu’à dix mètres. Selon Éric Ceschia, directeur de recherche à l’INRA et membre du Centre d’Etudes Spatiales de la Biosphère (CESBIO), Phenology HR et Cropland HR « fourniront des informations précieuses permettant de réaliser des diagnostics environnementaux à la parcelle ». En d’autres termes, ces fonctionnalités serviront à établir le suivi des pratiques favorisant le développement de l’agroécologie. Éric Ceschia rappelle tout de même que les agriculteurs devront continuer à réaliser certains relevés. En effet, les informations qu’ils fourniront au sujet de leurs utilisations d’engrais et de produits phytosanitaires contribueront à évaluer la performance environnementale des exploitations.
« Une cartographie des cultures à l’échelle de l’Europe »
Du fait de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, le lancement de Phenology HR a pris du retard. Ainsi, dès décembre 2020, soit trois mois après la date initialement annoncée, le service permettra de recueillir plusieurs informations topographiques sur les parcelles agricoles, relatives à leur fertilité. Elles concerneront les dates de cultures et leur intensité de développement. D’autres relevés seront effectués au sujet du taux de couverture de sols par la végétation, et au nombre de mètres carrés de feuilles par rapport aux mètres carrés au sol. « Cet outil servira également à évaluer le bilan carbone des exploitations », ajoute Éric Ceschia.
Le développement du service Cropland HR représente la deuxième phase de développement de l’observation des pratiques agricoles. Annoncé pour 2021, son déploiement pourrait également être retardé. « Cropland HR va fournir une cartographie des cultures à l’échelle de l’Europe de manière opérationnelle, explique Éric Ceschia. On ne va pas cartographier toute la diversité des cultures. Une vingtaine de classes de cultures parmi les plus courantes vont être représentées ». Ces observations porteront essentiellement sur les champs de maïs, de céréales à paille, de colza, de tournesol, de blé, d’orge. Les informations collectées seront compilées dans des cartes accessibles gratuitement. « D’autres cartes répertorieront les différentes pratiques agricoles : récoltes, dates de récolte, cultures intermédiaires, dates de fauche des prairies », souligne Éric Ceschia.
Une modernisation de la PAC crainte par les ministères
L’Institut national de la Recherche agronomique (INRAE) avait été mandaté pour définir une liste d’indicateurs agro-environnementaux. « Trois de ces indicateurs environnementaux ont été identifiés comme étant prioritaires : le bilan carbone, la biodiversité et le risque de lessivage de nitrates », déclare Éric Ceschia. Les deux nouveaux outils d’observation Phenology HR et Cropland HR permettront de favoriser le suivi de ces indicateurs, dans le cadre du projet NIVA. « On peut imaginer que l’on aura dans quelques années des productions d’indicateurs environnementaux sur l’Europe qui permettront de faire une évaluation environnementale des exploitations agricoles. Cela servira à flécher, à orienter, à dimensionner les paiements du second pilier de la PAC », précise le chercheur.
Éric Ceschia imagine que l’évaluation de chaque indicateur pourrait aboutir à une note attribuée aux pratiques mises en œuvre sur une exploitation. Ce dernier imagine même que le versement de certaines aides de la PAC puisse être conditionné par ce score. Aujourd’hui, la Commission européenne semble favorable à la mise en place d’un tel système. En revanche, les ministères de l’Agriculture des États membres sont bien plus réticents. « Il y a une crainte de basculer dans un système où les contributions des États pour la PAC dépendraient de l’efficacité des pratiques », explique Éric Ceschia. « Aujourd’hui, les aides versées aux agriculteurs sont basées sur les efforts mis en œuvre. Demain, elles pourraient dépendre d’indicateurs de performance environnementale », avertit-il.
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