Le grand défi de la COP28 à Dubaï était d’acter la nécessaire sortie des énergies fossiles. L’accord final adopté le 13 décembre 2023 appelle le monde à se détourner des énergies fossiles. Mais depuis, « on observe un fossé béant entre les discours des ministres qui se sont succédé à la COP28 pour jurer qu’ils étaient en faveur de la sortie des énergies fossiles et ce qu’ils font chez eux », dénonce Romain Ioualalen, chargé de campagne «politique mondiale » à l’ONG Oil Change International.
Le double discours de la « Troïka » de la COP
Au lendemain de la COP28, les Émirats arabes unis, organisateurs de la COP28 à Dubaï, l’Azerbaïdjan, pays hôte de la COP29 à Bakou, et le Brésil qui accueillera la COP30 l’année prochaine à Belém se sont associés au sein de la « Troïka des présidences de la COP » pour renforcer la coopération entre les pays et accélérer la décarbonation des économies afin de limiter le réchauffement sous la barre des + 1,5 °C.
Ces trois pays se sont engagés à plusieurs reprises à soumettre des contributions déterminées au niveau national (CDN) alignées sur l’objectif de 1,5 °C, tout en exhortant les autres pays à le faire. Pourtant, à l’opposé de leurs engagements, ces trois pays prévoient d’accroître leur production de pétrole et de gaz de 32 % d’ici 2035, dénonce un nouveau rapport de Oil Change International. Dans le détail, le Brésil prévoit de l’augmenter de 36 %, les Émirats arabes unis de 34 % et l’Azerbaïdjan de 14 %. Loin de ces chiffres, pour limiter le changement climatique à 1,5°C, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) invite à réduire la production mondiale de pétrole et de gaz de 55 % d’ici 2035.
Les Émirats arabes unis gagnent un triste record. « Encore plus frappant : les Émirats Arabes Unis sont le pays qui a le plus ouvert de nouvelles exploitations pétrolières et gazières en 2024 depuis la signature de l’Accord de Dubaï », partage Romain Ioualalen. Un projet devrait même y fonctionner jusqu’en 2100, bien après la neutralité carbone prévue pour 2050.
Alors, comment inverser la donne ?
« L’un des obstacles principaux à la sortie des énergies fossiles et à la mise en œuvre effective de ce qui a été décidé à Dubaï est l’absence d’argent et la dépendance collective de beaucoup de pays du sud aux revenus des énergies fossiles pour financer leur économie », martèle Romain Ioualalen.
Dans la lignée du Climate Action Network (CAN), l’ONG défend donc un nouvel objectif de financement climatique (NCQG) de la part des pays développés d’au moins 1 000 milliards de dollars par an, avec un sous-objectif d’au moins 300 milliards de dollars par an pour le financement de l’atténuation. « Cela permettra aux pays d’adopter des plans climatiques nationaux en 2025 qui mettront immédiatement fin à l’expansion du pétrole, du gaz et du charbon », espère Oil Change International.
Au-delà de ces financements extérieurs, les pays développés doivent mener l’élimination progressive des combustibles fossiles dans leur propre économie. Une autre étude d’Oil Change International montre que seulement cinq pays du Nord – les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Norvège et le Royaume-Uni – devraient être responsables d’environ la moitié des émissions carbone provenant des nouveaux champs pétroliers et gaziers et des puits de fracturation hydraulique d’ici 2050.
Oil Change International appelle la Troïka à établir une référence pour que les CDN alignées sur l’objectif de 1,5°C incluent un plan clair afin de mettre fin aux nouveaux projets de pétrole, de charbon et de gaz. « On a vraiment un problème de crédibilité quant à la mise en œuvre de cet accord, partage Romain Ioualalen. Ce que l’on veut voir collectivement, c’est que les CDN 2025-2035 montrent comment les pays vont mettre en œuvre l’engagement de sortir des énergies fossiles ».
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