Les scénarios du GIEC qui permettent de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C impliquent de réduire la consommation de charbon de 95 %, du pétrole de 60 % et de gaz de 45 % en 2050 par rapport à l’année 2019. En déplacement à la COP28 à Dubaï les 1er et 2 décembre, Emmanuel Macron a détaillé les messages portés par la France en matière d’énergie pour avoir une chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. « Le cœur de la priorité, c’est que les pays les plus consommateurs de charbon en sortent le plus vite possible », a-t-il estimé en conférence de presse.
Emmanuel Macron appelle ainsi tous les pays du G7 à montrer l’exemple et sortir du charbon d’ici 2030 (la France le fera avant 2027). L’objectif pour la France est de tourner la page du pétrole « d’ici 2040-2045 » et celle du gaz en 2050. Emmanuel Macron appelle à ce « que tous les pays du G20 fassent de même le plus vite possible » et à couper « progressivement les financements au charbon ». Il s’agira en parallèle d’aider les pays émergents à faire de même. Pour cela, la France entend concentrer ses aides publiques sur les projets nucléaires et renouvelables et les programmes de « juste transition énergétique » (Just Energy Transition Partnership – JETP). Ces partenariats lancés avec l’Afrique du Sud, l’Indonésie, le Vietnam et le Sénégal depuis la COP26 à Glasgow ont pour but d’aider ces pays à la transition énergétique et à la sortie du charbon.
Tripler les capacités nucléaires d’ici 2050
Pour la France, sortie du charbon et développement du nucléaire font bon ménage. Le 2 décembre 2023 à la COP28, elle a signé une déclaration, aux côtés de 21 autres pays, dont les États-Unis, les Émirats arabes unis, et le Japon, appelant à tripler les capacités de production nucléaire mondiales d’ici 2050 par rapport à 2020. À la fin de cette année-là, la capacité nucléaire installée s’élevait à 393 gigawatts (GW), selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Tripler les capacités de production nucléaire d’ici 2050 reviendrait donc à atteindre 1 179 GW à cet horizon.
Emmanuel Macron s’en réjouit. « Cet engagement et l’objectif de tripler l’énergie nucléaire d’ici 2050 que nous approuvons aujourd’hui envoient un message extrêmement puissant au Monde : l’énergie nucléaire est de retour et est une solution indispensable à la lutte contre le changement climatique », a assuré Emmanuel Macron à la tribune. La déclaration invite d’autres pays à les rejoindre dans cet effort. La Chine et la Russie, les premiers constructeurs de réacteurs nucléaires dans le monde aujourd’hui, n’ont toutefois pas signé la déclaration.
La Belgique, qui a repoussé sa sortie nucléaire de dix ans (de 2025 à 2035), accueillera à Bruxelles le premier sommet sur l’énergie nucléaire les 21 et 22 mars 2024, en partenariat avec l’AIEA. La participation d’environ 30 pays, dont la France, est attendue. « Pour la première fois, [cette rencontre] va mettre autour de la table les gouvernements, les entreprises, les investisseurs et les régulateurs du secteur pour organiser une stratégie cohérente pour permettre ce triplement du nucléaire à 2050 », s’est félicité Emmanuel Macron.
Greenpeace dénonce de son côté une vision « déconnectée de la réalité ». « Entre retards, surcoûts et dépendance à la Russie, l’industrie nucléaire perd chaque jour du terrain dans le mix énergétique mondial et se marginalise un peu plus au profit des énergies renouvelables. Bien moins chères, rapides à déployer et accessibles aux pays en développement, ces énergies font quant à elles consensus sur la scène internationale », déclare Pauline Boyer, chargée de campagne Transition énergétique à Greenpeace France, dans un communiqué.
Énergies renouvelables et investissements
Le même jour à la COP28, la France s’est aussi engagée, parmi 116 pays, au triplement des capacités d’énergies renouvelables (ENR) d’ici 2030. L’objectif : atteindre 11 000 gigawatts, contre environ 3 400 aujourd’hui. « Le bon mix, c’est l’efficacité énergétique, plus de renouvelable et plus de nucléaire », a défendu Emmanuel Macron.
Le chef de l’État entend s’attaquer à la rémunération des banques privées pour encourager le développement des énergies renouvelables et l’arrêt du financement de nouvelles centrales à charbon. « Si vous êtes investisseur, vous payez le même taux d’intérêt pour un projet charbon, un projet gaz ou un projet renouvelable », a regretté le président, suggérant de mettre en place des taux d’intérêt différenciés suivant les énergies financées. Le projet d’un « gold standard », sorte de « classification financière de ces types d’investissement », doit être piloté et mis en place par la Banque mondiale, a avancé Emmanuel Macron.
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