Après 13 jours et nuits de négociations, le projet d'accord de Paris a été adopté samedi soir à l'unanimité par l'ensemble des Parties. Laurent Fabius, François Hollande et l'équipe de présidence ont été félicités par l'ensemble des négociateurs.
La COP21 a permis d’aboutir au premier accord universel sur le climat. L’accord vient d’être adopté à l’unanimité par l’ensemble des 196 Parties. « Je regarde la salle, je vois que la réaction est positive, je n’entends pas d’objection, l’accord de Paris pour le climat est adopté! », a déclaré Laurent Fabius, sous les applaudissements et l’euphorie de la salle.
Dans la matinée, le ton était plus grave. François Hollande invitait le monde à ne pas rater ce rendez-vous avec l’Histoire. « Le 12 décembre 2015 peut être un jour non seulement historique mais une grande date pour l’humanité, avait annoncé François Hollande. Le 12 décembre 2015 peut être un message de vie ». Quelques heures plus tard, le soulagement était au rendez-vous. « Alors, vous l’avez fait! » et « vous avez réussi », s’est-il félicité. « Votre accord n’est pas un aboutissement, c’est un début. Et la France mettra tout en oeuvre non seulement pour appliquer l’accord, mais pour accélérer le mouvement » a promis François Hollande.
Un accord salué par l’ensemble des Parties…
Suite à l’adoption de cet accord, Laurent Fabius a donné la parole à l’ensemble des Parties qui souhaitaient s’exprimer. L’Afrique du Sud pour le G77, l’Australie, le groupe pour l’intégrité de l’environnement, l’Union Européenne, le Maroc, la Turquie, la Chine, les Etats-Unis, l’Inde, Sainte-Lucie, le Vénézuela, le Sénégal et l’Equateur ont tenu à saluer le leadership de la présidence française pour parvenir à cet accord. Ils ont salué à l’unisson un accord historique, certes non parfait, mais formant une fondation solide pour avancer. « Nous nous félicitons de l’adoption de cet accord de Paris. Comme l’a souligné la représentante de l’Afrique du Sud, cet accord n’est pas parfait, il y a un certain nombre de domaines à améliorer. Mais nous avons déjà réalisé des progrès historiques », a salué le représentant chinois. « Je sais que, nous tous, nous vivrons mieux grâce à l’accord que nous avons conclu aujourd’hui », a réagi le secrétaire d’Etat américain, John Kerry à la tribune.
« L’histoire jugera le résultat non pas sur la base de l’accord d’aujourd’hui, mais sur ce que nous allons faire à partir d’aujourd’hui », a néanmoins tempéré Thoriq Ibrahim, ministre de l’Environnement des Maldives et président du groupe des Petits Etats insulaires.
… Sauf le Nicaragua
Seul le Nicaragua s’est montré assez critique à la tribune en disant ne pas pouvoir « accompagner ce consensus ». Il rappelle que le résultat de l’exercice INDC de 2015 prévoit des émissions de CO2 de 55 gigatonnes en 2030 au lieu des 40 gigatonnes nécessaires pour limiter le réchauffement à 2°C, selon le GIEC. Alors la route des 1,5°C serait bien lointaine et inatteignable. De plus, les mécanismes de financements seraient insuffisamment clairs, alors que 25 % des engagements des pays en développement et 50 % des engagements dans le domaine de l’agriculture sont basés sur des conditions de financements.
Pour assurer un réel objectif contraignant, le Nicaragua aurait aimé voir alloué un budget d’émissions mondial conforme à l’objectif des 1,5°C et la création d’un fonds basé sur la responsabilité historique. Par ailleurs, il voudrait éliminer le paragraphe 52 en rapport avec l’article 8 de l’accord. L’article 8 en question est celui consacré à la question sensible des pertes et dommages. Il reconnait « la nécessité d’éviter et de réduire au minimum les pertes et préjudices liés aux effets néfastes des changements climatiques, notamment les phénomènes météorologiques extrêmes et les phénomènes qui se manifestent lentement, et d’y remédier ». Mais le paragraphe 52 stipule que cet article « ne peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation ». Le texte préfère parler de coopération accrue et d’appui entre les Parties sur ces phénomènes et les situations d’urgences.
« Cela veut dire qu’il va y avoir 3°C d’augmentation pour nos petits enfants et que nous devrons abandonner nos droits juridiques de demander des indemnisations ? Nos droits juridiques de lancer des litiges liés à des responsabilités d’autres pays qui nous ont occasionné des dommages ? Ce n’est pas possible », a affirmé le représentant du Nicaragua.
Un accord « équilibré », « juste » et « ambitieux »?
Pour Laurent Fabius, c’est un « accord ambitieux et équilibré qui reflète les positions des Parties ». « Ce texte contient les principales avancées dont beaucoup d’entre nous pensaient qu’elles seraient peut-être impossibles à obtenir : le projet d’accord proposé est différencié, juste, durable, dynamique, équilibré et juridiquement contraignant», a-t-il assuré avant l’adoption du texte. « Il reconnait la notion de justice climatique et il tient compte sur chaque sujet des responsabilités différenciées des pays, de leurs capacités respectives, à la lumière des circonstances nationales ».
Le nouvel objectif consistant à limiter le réchauffement à 1,5°C à l’horizon 2020 est bien inscrit dans le texte. L’accord vise à contenir l’augmentation de la température moyenne « bien en-deça de 2°C et de s’efforcer de limiter cette augmentation à 1,5°C ». C’était une demande des Etats insulaires qui craignent de disparaître sous la montée des eaux. Si cet objectif est ambitieux, les contributions nationales (INDC) jusque-là produites nous mettent toujours sur une trajectoire d’un réchauffement de 3°C. L’accord prévoit donc leur actualisation, forcément à la hausse, tous les 5 ans. Mais celles-ci ne seront obligatoires qu’en 2025. Sentant que cet horizon est trop éloigné pour éviter un réchauffement inférieur à 2°C, au vue des INDC mis actuellement sur la table, François Hollande s’est engagé à réviser « au plus tard en 2020 nos engagements de réduction de gaz à effet de serre» et a invité les autres pays volontaires à faire de même. Il s’est également engagé à réviser la contribution financière de la France pour l’adaptation, notamment des pays les plus vulnérables, et a invité les pays volontaires à rejoindre la France dans une coalition pour aboutir à un prix du carbone.
L’accord prévoit aussi que les financements promis – les 100 milliards de dollars par an visés pour 2020 – soient « un plancher pour l’après 2020 ». « Un nouvel objectif chiffré devra être défini au plus tard d’ici 2025 », prévient Laurent Fabius.
L’accord de Paris entrera en vigueur en 2020 et prendra la suite du protocole de Kyoto II. Pour cela, il devra d’abord avoir été ratifié par au moins 55 pays représentant au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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