Chacun d’entre nous a entendu parler des organismes génétiquement modifiés (OGM). Ils le sont le plus souvent pour résister à un herbicide ou pour produire leur propre insecticide afin de lutter contre les ravageurs. Le public connaît moins les autres organismes obtenus par le biais des biotechnologies génétiques apparues depuis les années 2010. On parle notamment ici des molécules issues du silençage génique et des organismes obtenus par forçage génétique.
À l’occasion de la 15e Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15), 100 scientifiques, experts et organisations signent un appel international à la protection des pollinisateurs contre ces nouvelles biotechnologies, à l’initiative de l’ONG française Pollinis. Les signataires de l’Appel demandent notamment « une application stricte du principe de précaution selon les Nations Unies ». Ils appellent à « empêcher toute diffusion jusqu’à ce qu’il y ait des preuves que l’usage de ces biotechnologies, de leurs produits, organismes et composants, n’aura pas d’impact direct ou indirect négatif. »
La COP15 doit adopter un nouveau cadre mondial de protection de la biodiversité sur la période 2020-2030. Dans cette perspective, les insectes et notamment les pollinisateurs font l’objet d’une attention singulière. En particulier, l’objectif 17 cible la question des risques potentiels des biotechnologies génétiques pour l’ensemble du vivant. Les négociations pourraient aboutir à leur encadrement plus strict ou, au contraire, à la facilitation de leur usage dans la nature.
Silençage génique et forçage génétique
Ces biotechnologies servent avant tout à remplacer les pesticides chimiques classiques dans les champs. À la différence des OGM traditionnels obtenus par « transgenèse », c’est-à-dire par introduction d’un gène extérieur dans une plante ou un animal, ces nouvelles techniques modifient le génome d’un être vivant, sans ajout de gène extérieur.
L’utilisation de ces nouvelles techniques permettrait d’« améliorer les plantes » en « les rendant résistantes à des virus, aux herbicides, ou de réduire leur stress hydrique », explique à l’AFP Christophe Robaglia, professeur en biologie à l’université Aix-Marseille et expert OGM auprès de l’Autorité européenne de sécurité des aliments.
Le silençage génique élimine la production d’une protéine à partir de son gène correspondant. Il désactive ainsi certaines expressions génétiques chez les plantes, bactéries ou virus. La biotechnologie peut aussi être utilisée dans les champs en tant que pesticide, sous forme de spray d’ARN dit « interférent ». Il neutralise ainsi l’expression de certains gènes d’insectes. Certaines applications ont déjà été approuvées aux États-Unis et au Canada.
Le forçage génétique permet pour sa part de s’assurer qu’un gène particulier sera transmis systématiquement à sa descendance. Pollinis voit plutôt des risques que des avantages. « En transmettant un gène d’extinction (infertilité), le forçage génétique peut ainsi induire la disparition de toute une espèce en quelques générations », alerte l’association. Aujourd’hui, 21 insectes ravageurs des cultures font l’objet de recherches ciblées, recense une étude, plusieurs demandes de brevets ont été déposées par l’agro-industrie.
Éviter avant tout les risques sur les insectes
La tribune vise avant tout les effets potentiels de ces nouveaux pesticides sur les pollinisateurs. De premières études scientifiques indépendantes pointent en effet des risques d’effets létaux sur des insectes non ciblés, lorsque ceux-ci partagent un gène similaire avec les espèces nuisibles ciblées.
« Il est impossible d’intervenir sur le génome d’un individu sans interagir avec l’ensemble de son espèce, des autres espèces et plus largement avec toute la biodiversité, signale Nicolas Laarman, délégué général de Pollinis. En modifiant un individu, on modifie potentiellement l’ensemble du vivant. »
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