Alors que la COP23 s'ouvre le 6 novembre à Bonn en Allemagne, un nouveau rapport publié par l’ONG Corporate Accountability dénonce le lobbying des entreprises les plus polluantes au sein même des négociations climatiques internationales.
Le Parlement européen a récemment appelé ses négociateurs à accorder la priorité à la lutte contre l’influence néfaste des intérêts industriels à la COP23.
Et ce n’est pas pour rien. Intitulé “Polluting Paris: How Big Polluters are undermining climate policy”, ce nouveau rapport analyse les diverses façons dont les entreprises, notamment celles des énergies fossiles, infiltrent les négociations. Elles orientent les discussions dans leur propre intérêt, dans des domaines aussi variés que l’agriculture, la finance, ou encore les technologies. Les négociations sont ainsi orientées vers des programmes commerciaux qui profitent aux groupes industriels, poussant parfois de fausses alternatives au dépit de solutions non marchandes, comme la finance directe et les réductions d’émissions contraignantes.
Première leçon : intégrer une association commerciale
Pour avoir une influence, il faut être très bien placé dans des associations commerciales. Les auteurs soulignent l’influence de telles associations, par exemple l’International Emissions Trading Association (IETA). Ses membres comprennent les géants pétroliers BP et Chevron, et des sociétés actives dans le charbon. L’IETA s’est immiscée directement dans les discussions, grâce à l’un de ses membres qui négocie au nom du Panama. Il est aussi l’un des co-coordinateurs sur les mécanismes de marché pour le G77 et la Chine.
Par ailleurs, des dirigeants de Shell et d’EDF ont occupé des postes importants au sein du comité consultatif du Centre et Réseau des Technologies Climatiques. Ce programme est en charge de la mise en œuvre des activités de transfert de technologies climatiques dans le monde. Et le Climate Technology Network compte comme membres l’Association mondiale du charbon et l’Institut mondial de capture et de stockage du carbone, qui représentent entre autres Shell et ExxonMobil. Ce groupe apporte une assistance et des conseils technologiques aux pays du Sud,
Deuxième leçon: Sponsoriser des événements climatiques
Des entreprises comme Suez et Engie ont pu accéder aux discussions sur le climat en finançant eux-mêmes la COP21. « Le parrainage de la COP par les entreprises est symptomatique d’un problème plus profond – les dirigeants politiques considèrent les entreprises qui détruisent le climat comme des partenaires pour résoudre une crise dont elles ont profité et dont elles ont retardé la résolution, estime Pascoe Sabido, chercheur à l’Observatoire des lobbies européens, Corporate Europe Observatory. Mettre fin à ce parrainage devrait être une évidence, et un pas petit, mais visible, dans la bonne direction.»
Pourtant, les grands sponsors de la COP23 comptent toujours de grandes entreprises polluantes comme BMW et Solvay. Les COP offrent ainsi aux pollueurs la possibilité de se faire passer pour la solution et non pour le problème, dénonce le rapport.
Troisième leçon: faire du neuf avec du vieux
Pour verdire des pratiques, il suffit de leur donner des noms modernes. Ainsi, les grandes entreprises agricoles qualifient désormais leurs pratiques dévastatrices sur le plan environnemental d’ « agriculture intelligente face au climat ». Ils retardent ainsi l’adoption de réglementations sur les émissions dans l’agriculture industrielle. C’est notamment le cas de Syngenta et Monsanto. Par exemple, le Roundup et le glyphosate deviennent une solution agroécologique moins polluante que le labour. En effet, les tracteurs utilisés pour labourer émetraient trop de gaz à effet de serre.
Au final, toutes ces techniques portent leurs fruits. Les investissements du Fonds Vert pour le climat sont attribués par des institutions internationales et des banques qui soutiennent le secteur privé. Ainsi, cinq banques et institutions transnationales seulement gèrent près de 75% des fonds et plus de 50% des fonds alloués jusqu’à présent ont été affectés à des projets du secteur privé.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
Et pourquoi, une fois de plus, ne pas parler des lobbys écologistes si nombreux et si virulents dans les COP ? Seraient-ils les seuls à avoir le droit à la parole ?
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