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COP 21 – Oceans 2015 Initiative : des chercheurs analysent le futur des océans

Posté le par La rédaction dans Environnement

L’océan tempère le réchauffement global du climat au prix d’une altération profonde de son fonctionnement physique et chimique, de ses écosystèmes et des services qu’ils fournissent à l’humanité. Regroupés sous le nom « Oceans 2015 Initiative», une vingtaine de chercheurs du monde entier, notamment du CNRS, de l’Iddri et de l’UPMC, publient dans Science une étude qui évalue et compare, pour deux scénarios contrastés d’émissions de CO2, les risques d’impacts sur les écosystèmes marins et côtiers et les services éco-systémiques rendus par les Océans d’ici à 2100.

Avec cette analyse du futur des océans, les chercheurs souhaitent alerter les décideurs qui se retrouveront en fin d’année à Paris pour la COP21. Jean-Pierre Gattuso, premier auteur de l’article, rappelle que « les mers et océans n’ont pas été jusque-là considéré à leur juste valeur dans les négociations climatiques. Notre étude avance des arguments incontestables pour que cela change dès la COP21 ».

Depuis le début des années 1970, l’océan a absorbé plus de 90 % de l’excès de chaleur liée à l’augmentation de l’effet de serre, limitant ainsi la température de l’air mais en réchauffant l’eau et augmentant le niveau de la mer. Il a également absorbé plus du quart des émissions de CO2 d’origine anthropique depuis 1750, ce qui acidifie l’eau de mer. Enfin, l’océan reçoit la totalité de l’eau libérée par la fonte des glaciers et des calottes polaires, ce qui contribue à l’élévation du niveau de la mer.

[Figure : Modifications physiques et chimiques de l’océan et impact sur les organismes et les services écosystémiques selon deux scénarios : atténuation élevée (RCP2.6) et business-as-usual (RCP8.5). Les changements de température (∆T) et de pH (acidité ; ∆pH) en 2090-2099 sont exprimés par rapport à la période pré-industrielle (1870-1899). L’augmentation du niveau de la mer (SLR) en 2100 est exprimée par rapport à 1901. RCP2.6 est beaucoup plus favorable à l’océan même si plusieurs écosystèmes, biens et services restent très vulnérables. Ce scénario fournit également des options de gestion plus efficaces. h, l, m : latitudes hautes, moyennes et basses.]

 

D’un risque modéré à un risque très élevé

Les chercheurs montrent que même le scénario à faible émissions, qui correspond à l’objectif de +2°C en 2100 fixé par l’accord de Copenhague, comporte des risques de dommages majeurs, notamment sur les coraux tropicaux et les bivalves des latitudes moyennes. Le risque d’impacts sur d’autres organismes et écosystèmes restera modéré dans le cas d’un tel scénario. En revanche, des scénarios plus émetteurs de CO2 – par exemple si la trajectoire actuelle des émissions est poursuivie – aggraveront considérablement la situation : presque tous les organismes étudiés par l’initiative Océans 2015 (coraux, ptéropodes, poissons, krill, par ex.) auront à faire face à des risques de dommages très élevés, tel que des mortalités massives et d’importants déplacements d’espèces. De même, les services rendus par les écosystèmes marins et côtiers, la protection des côtes par les mangroves ou les récifs coralliens, par exemple, l’aquaculture, le tourisme ou la pêche, auront à faire face à des risques élevés à très élevés d’ici à 2100. On s’attend par exemple à des contraintes fortes sur les pêches tropicales dès la moitié de ce siècle, même dans le cas d’un scénario à faible émissions de CO2. Cette étude montre également que plus l’océan se réchauffera et s’acidifiera, plus la gamme des solutions possibles (atténuer, protéger, réparer, adapter) se réduira. Comment, par exemple, accroître la résilience de récifs coralliens s’il ne subsiste pas de récifs en bonne santé ? Certaines options sont aussi antagonistes. Par exemple, si la gestion du rayonnement solaire est mise en œuvre pour limiter l’augmentation de la température, elle aurait l’effet pervers de réduire les incitations à diminuer les émissions de gaz à effet de serre, ne réglant donc pas le problème de l’acidification de l’océan. « Au regard de l’étendue des changements attendus, aucun pays n’est à l’abri, ce qui fait de cette question un enjeu mondial, au-delà des classiques divisions Nord/Sud », explique Alexandre Magnan, chercheur à l’Iddri et co-auteur de l’article.

 

Pousser à un accord durant la COP21 qui prendra en compte l’océan

Les auteurs tirent quatre messages de cette étude. L’océan est un acteur-clé du changement climatique, et l’avenir de l’Humanité dépend de celui de l’océan. Les impacts des émissions de CO2 dans l’atmosphère sur l’océan, sur ses êtres vivants, sur ses écosystèmes et sur les activités humaines qui en dépendent sont déjà détectables, à diverses latitudes. De nombreuses régions auront à faire face à des risques impacts élevés bien avant 2100, même dans le cas d’une trajectoire d’émission bas carbone. Des efforts immédiats de réduction des émissions de CO2 sont donc plus que jamais indispensables pour prévenir le risque de modifications brutales et irréversibles des écosystèmes marins et les services qu’ils nous fournissent. Parmi les solutions permettant de faire face à ces risques, les options de protection, adaptation et de réparation deviennent moins nombreuses et moins efficaces au fur et à mesure que la concentration de CO2 dans l’atmosphère augmentera.

Au regard des futurs possibles mis en lumière dans cet article, les perspectives d’impacts sur l’océan apportent des arguments supplémentaires en faveur d’une diminution rapide, rigoureuse et ambitieuse des émissions de CO2. Un accord global sur le climat qui ne minimiserait pas les impacts sur l’océan serait incomplet et inadéquat.

À propos de l’Initiative Océans 2015 :

L’Initiative Océans 2015 a pour objectif de fournir aux négociateurs de COP21 des informations clés sur le futur des océans. Elle regroupe une vingtaine d’auteurs issus de laboratoires du monde entier, préoccupés par le futur de l’océan. Cette initiative est coordonnée par le CNRS, l’UPMC et l’Iddri. Elle est soutenue par la Fondation Prince Albert II de Monaco, le Centre de coordination international sur l’acidification des océans de l’Agence Internationale de l’énergie atomique, la Fondation BNP Paribas, et l’Association Monégasque pour l’acidification des océans.

Source : CNRS

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