Le rapport de la conférence des experts et de la table ronde sur la Contribution Climat et Énergie, rendu public le 28 juillet, préconise la mise en place d'une taxe carbone sur la consommation des énergies fossiles. Même si la démarche est saluée par tous, les modalités de sa mise en œuvre suscitent de vives critiques. Explications.
La révolution verte sera avant tout une révolution fiscale. C’est ce qui ressort du rapport de la conférence des experts et de la table ronde sur la contribution Climat et Énergie rendu public le 28 juillet. Remis à Jean-Louis Borloo, ministre de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, et Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, ce rapport préconise la mise en place de la « taxe carbone » (aussi appelée CCE, Contribution Climat Énergie), qui devrait s’appliquer aux seules énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon), et ceci dès 2010. La mise en place de cette taxe était déjà préconisée dans les conclusions du Grenelle de l’Environnement.Le but avoué est de dissuader le recours aux énergies fossiles, a expliqué Michel Rocard sur France Inter : » on va taxer un certain nombre de comportements, principalement celui qui consiste à utiliser des énergies d’origine fossile émettrices de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. »Concrètement, les prévisions font état d’une facture comprise entre 300 et 400 euros, qui touchera la moitié des ménages français. Cette taxe sera aussi appliquée aux entreprises. Dans un premier temps, c’est-à-dire en 2010, le rapport prévoit une facturation de 32 euros à la tonne de CO2 émise, qui augmenterait pour atteindre 100 euros en 2030. Cette hausse, progressive pour des raisons d’acceptabilité, représente par exemple une hausse de 7,7 centimes par litre de carburant sans plomb.
La consommation électrique exclue de la taxe
De même l’augmentation du prix du gaz devrait être sensible. Celle-ci est évaluée à environ 15 %. La CCE ne s’appliquera pas à l’électricité, pour une raison simple. En France, la majorité de l’électricité produite l’est sans émission de CO2, puisque 76 % est d’origine nucléaire. Ensuite, vient l’hydraulique avec 12 % et l’éolien, 1 %. Au total, selon le journal Libération, l’Etat pourrait ainsi engranger la bagatelle de 9 milliards d’euros, dont la moitié proviendrait directement des ménages. Mais tous ceux émettant du CO2 sont concernés. Cela inclut les entreprises, hormis celles des secteurs industriels les plus émetteurs de CO2 (sidérurgie, cimenteries, papeteries), qui sont déjà sujets à des quotas spécifiques.Pourtant, même si l’assiette est large, la contribution Climat Énergie ne fait pas l’unanimité. Ainsi, proportionnellement, les foyers à revenus modérés seront les premiers pénalisés par la taxe carbone, en comparaison avec les foyers à revenus plus importants, comme l’affirme Jean-Christophe Le Duigou, le secrétaire général de la CGT : » la contribution Climat Énergie ne doit pas accentuer les disparités sociales. Comme tout impôt indirect, la taxe carbone va peser plus lourd sur les ménages à faibles ou moyens revenus que sur ceux à revenus élevés. «
Une taxe inégale et injuste ?
Autre problème : celui de la situation géographique. Les habitants des zones rurales, voire de la proche banlieue, qui se déplacent en voiture pour aller travailler, vont être pénalisés d’une manière qui peut être considérée comme très arbitraire. De fait, le rapport remis par Michel Rocard prévoit aussi des compensations financières, pour les entreprises comme pour les particuliers. Elles prendront la forme d’allocations forfaitaires ou de baisses des prélèvements, pour certains ménages (en fonction des revenus, de l’éloignement ou des horaires de travail) et pour certaines entreprises. On parle également de la mise en place d’un chèque vert pour les ménages, mais son montant, qui sera a priori le même pour tout le monde, reste à fixer. Pour l’instant, la mise en place de ces compensations reste assez floue et est la cible de nombreuses critiques.
Une opportunité pour accélérer la sortie de crise ?
Ainsi, ces propositions laissent perplexe les partisans les plus fervents de la CCE. Sur le site Internet dédié à sa fondation, Nicolas Hulot s’inquiète : » si elle venait à être intégralement compensée par des cadeaux de toutes sortes, elle ne servirait strictement à rien. C’est là que les lobbies vont faire pression. « Au final, si tout le monde est favorable à la mise en place de cette taxe, son application, à savoir un impôt sur la consommation des ménages, fait débat quant à sa complexité et à son côté inégal. L’exemple suédois porte quand même à l’optimisme, puisque dans ce pays, où la taxe carbone a été mise en place en 1991, les émissions de CO2 ont baissé de 9 % depuis cette date.Enfin, au niveau économique, la taxe carbone peut jouer un rôle moteur au niveau de la croissance, comme le confie Corinne Lepage, l’ancienne ministre de l’Écologie : » la contribution Climat Énergie pourrait être un accélérateur de sortie de crise, sous réserve d’une compensation sociale convenable. » L’équation n’est donc pas simple, et il appartient désormais au gouvernement d’opérer les arbitrages nécessaires.P.T.
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