Utilisés seulement 30 % du temps, les datacenters restent alimentés en permanence pour gérer les fluctuations de la demande. Différentes expérimentations tentent de réduire leur consommation énergétique. Des chercheurs français travaillent sur un projet visant à optimiser les usages, et donc la consommation.
Les services numériques représentent entre 6 % et 10 % de la consommation électrique mondiale. Les datacenters sont la clé de voûte de ces services. Pourtant, la réduction de leur consommation énergétique n’est pas une réelle priorité (à part pour de la communication) pour tous les géants du cloud.
Ils sont focalisés sur la construction de nouvelles infrastructures pour répondre à la demande. Les prévisions du volume des données numériques créées ou répliquées dans le monde pourraient atteindre 181 Zo en 2025 (étude Statista, 2021).
Malgré cela, différentes pistes ambitieuses sont étudiées pour réduire la consommation énergétique des datacenter comme le projet sous-marin Natick de Microsoft ou celui développé par les entreprises françaises, Atos et HDF Energy et qui consiste à utiliser des piles à hydrogène.
Si leurs principes sont intéressants, ces projets restent encore au stade du prototype et posent encore des questions sans réponse pour l’instant. Pour Natick, les problématiques concernent notamment le réchauffement local de l’eau et les répercussions sur l’écosystème aquatique.
Pertes énergétiques
Concernant l’hydrogène, c’est une technologie qui n’est pas encore suffisamment mature en termes de durée de vie et de rendement par rapport à des batteries. Le rendement de production d’hydrogène est également faible. Cependant, cette solution pourrait avoir du sens à long terme pour le stockage de l’énergie renouvelable.
En attendant le passage à l’échelle de ces initiatives, une autre piste est étudiée par deux chercheurs du LIRMM (Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier) avec leur projet baptisé Genesis.
Après avoir réfléchi à repenser l’architecture des supercalculateurs pour qu’elle soit plus sobre énergétiquement, ils ont été amenés à étudier les datacenters qui présentent des caractéristiques similaires. Avec le même objectif : réduire leur consommation.
« Nous avons constaté qu’une partie significative de leur consommation était imputable à des composants périphériques aux fonctions informatiques. Cela nous a amenés à réfléchir à la manière de diminuer drastiquement les pertes énergétiques tout en utilisant des énergies renouvelables », souligne Gilles Sassatelli, directeur de recherche CNRS au LIRMM.
Après un dépôt de brevet, l’équipe a développé plusieurs générations de prototypes, avec le soutien de la Région Occitanie. Leur dernier prototype intègre des composants que l’on retrouve dans les datacenters.
Les données près des usagers
Pour relever ce défi, le projet Genesis repose sur des « modules » interconnectés, chacun formé de panneaux photovoltaïques couplés à un serveur, une unité de stockage et une unité électronique pour gérer des flux de données et d’énergie entre modules. Installé sur le toit de l’école Polytech Montpellier, un prototype de « système » Genesis permet à quatre modules de coopérer en échangeant des données de l’énergie pour réaliser une tâche donnée.
« Grâce à la capacité de Genesis à migrer des données et de l’énergie entre les modules distribués d’un mini-datacenter, nous avons étudié une optimisation conjointe permettant des gains énergétiques intéressants. Par rapport à un mini-datacenter classique, non doté du levier de la migration d’énergie, Genesis peut réduire potentiellement l’énergie issue du réseau électrique de 20 à 27 % pour un déploiement en période estivale dans le sud de la France. Cette étude repose sur une modélisation calibrée à partir d’un prototype physique expérimental », explique Abdoulaye Gamatié, directeur de recherche CNRS au LIRMM.
Avec des mini-datacenters de type Genesis, l’accès aux données serait plus rapide (moindre latence) et réduirait « le trafic des données sur l’infrastructure globale. C’est ce qu’on nomme l’informatique à la périphérie du réseau (ou Edge computing), c’est-à-dire près de l’endroit où les données sont produites et consommées, plutôt que de manière centralisée dans un datacenter conventionnel, souvent distant », explique Gilles Sassatelli.
Le Edge computing peut par ailleurs constituer une réponse à la problématique de latence imposée par certains domaines d’applications, certains ayant recours à l’intelligence artificielle. On évoque en effet, de plus en plus le EdgeAI (ou IA à la périphérie). Il s’agit du déploiement d’applications d’IA dans des appareils situés au plus proche de l’usage. Le Edge computing peut désigner n’importe quel usage de calcul localisé. Il peut s’agir d’un magasin, d’une usine, d’un hôpital ou d’appareils qui nous entourent, comme les feux de circulation, les machines autonomes et les téléphones.
Le projet Genesis permettrait aussi de renforcer la souveraineté des données en permettant à l’utilisateur, que ce soit un particulier ou une collectivité, d’avoir une certaine maîtrise des données gérées, tout en baissant la consommation énergétique.
Reste encore quelques défis à relever. « Le premier concerne le développement d’un prototype physique à grande échelle pour confirmer nos observations en trouvant. Cela requiert un partenariat solide, avec des ressources financières appropriées. En parallèle, nous nous penchons sur l’analyse du cycle de vie des composants matériels de Genesis, car il est essentiel de minimiser leur impact environnemental. Enfin, le troisième défi porte sur les usages du numérique sur lesquels nous réfléchissons en étroite collaboration avec nos partenaires. Notre objectif est de promouvoir une utilisation durable de Genesis » détaille Abdoulaye Gamatié.
La réduction de l’empreinte carbone du numérique ne peut être entièrement réalisée grâce à la technique seule. Il est également essentiel de prendre en compte les usages et les pratiques dans cet effort.
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