Plus personne n’y croyait, mais la consigne du verre va faire son grand retour en France. Le 22 juin, la secrétaire d’État à l’écologie, Bérangère Couillard, a en effet confirmé, la mise en place d’une consigne sur les emballages en verre pour produits alimentaires (bouteilles, pots à yaourt et bocaux) « d’ici à deux ans ».
Ce choix répond aux objectifs de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, dite « loi Agec ». Elle prévoit notamment de réemployer 5 % des emballages mis sur le marché en 2023, 10 % en 2027. Elle vise en plus une réduction de 50 % des bouteilles en plastique mises sur le marché en 2030 par rapport à 2020.
Plusieurs distributeurs ont lancé de premières expérimentations sur la consigne, à l’instar de Carrefour et Biocoop. Bérangère Couillard a annoncé le lancement d’autres expérimentations volontaires en 2024. Ensuite, les distributeurs auront pour « obligation » de reprendre les emballages consignés, prévient-elle, évoquant l’ouverture de « discussions sur le cadre juridique » avant la fin de l’année.
Des choix importants au niveau européen
Alors que les choses évoluent enfin au niveau français, la proposition de règlement relatif aux emballages et aux déchets d’emballages (PPWR) doit faire avancer la question au niveau européen. Elle pourrait définir des objectifs d’emballages réutilisables : 20 % en 2030 et 80 % en 2040 pour les boissons à emporter, 10 et 40 % pour les plats à emporter. La Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) votera pour l’adoption du projet de rapport le 20 septembre prochain. Le vote indicatif en plénière au Parlement européen est prévu pour le 2 octobre 2023. Les négociations avec le Conseil, puis en trilogue, devraient aboutir avant les élections du Parlement européen en juin 2024.
À l’occasion d’une table ronde consacrée au réemploi lors des universités d’été de l’économie de demain à Paris le 30 août, Charles Christory, cofondateur du Fourgon, a prévenu : « Il y a des lobbyistes très dangereux au niveau européen qui essaient de faire considérer le recyclage au même niveau que le réemploi ». Cette start-up spécialisée dans la livraison de boissons consignées à la maison réussit son pari : elle livre 37 000 clients dans plusieurs villes en France.
Si Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie, ne veut pas opposer recyclage et réemploi, il assure comprendre les craintes. « L’objectif de la France est de faire en sorte qu’il [le règlement européen, ndlr] soit au moins aussi ambitieux que la loi Agec » avec des échéances qui vont au-delà : 2030 et 2040.
Continuer à structurer la filière française du réemploi
Le Conseil National de l’Industrie a donné naissance à 19 comités stratégiques de filière. Ces derniers font dialoguer l’État, les entreprises et les représentants des salariés, filière par filière. Le contrat de filière 2019-2022 du comité « Transformation et valorisation des déchets », piloté par la directrice générale de Veolia, Estelle Brachlianoff, s’intéresse au tri, à la collecte et au recyclage, mais pas du tout au réemploi. « Je m’engage à leur demander dans le cadre du plan de filière qui est en rediscussion d’y intégrer un enjeu de réemploi », a annoncé Roland Lescure lors de la table ronde. Il promet également qu’il veillera à la présence de représentants de la filière réemploi dans le comité.
Pour se développer, la filière a aussi besoin d’investir. Les aides potentielles pour les porteurs de projet réemploi sont notamment diverses auprès de France 2030, de l’Ademe et de la BPI. Pour sa part, l’éco-organisme Citéo alloue un budget annuel de 50 millions d’euros au développement de solutions de réemploi. « Le problème est que le financement de tous ces dispositifs est très difficile à lire, notamment pour une startup industrielle », reconnaît Roland Lescure qui propose aux porteurs de projets de contacter son ministère pour être orientés vers les dispositifs existants.
Mais ne faudrait-il pas complètement réorienter les aides et appels d’offres ? Le Code de l’environnement donne la priorité à la prévention et à la réduction des déchets. La priorité est ensuite donnée dans l’ordre aux modes de traitement : réemploi, recyclage, valorisation énergétique et élimination. Pour être en cohérence avec cette hiérarchie, il s’agirait donc au moins de rééquilibrer les montants alloués au réemploi au même niveau que le recyclage. Mais les industriels du recyclage et les collectivités qui gèrent les centres de tri freinent des quatre fers. Pour changer d’échelle, la filière du réemploi devra donc compter sur un réel soutien public et politique.
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